Médicaments/ Aliments – Des liaisons dangereuses

    Médicaments/ Aliments - Des liaisons dangereuses

    Lorsqu’on parle d’interactions, on pense aux effets secondaires liés à la prise concomitante de deux médicaments… mais beaucoup moins aux effets de l’alimentation.

    Pourtant, les médicaments ne font pas toujours bon ménage avec ce que nous mangeons. Certains aliments ralentissent, diminuent ou, plus rarement, augmentent l’action des médicaments ou leurs effets.

    Aliments/ médicaments

    Les interactions aliments/médicaments sont finalement plus fréquentes et moins bien connues et elles sont très complexes. Il faut d’abord se rappeler que, pour agir, un médicament doit être absorbé le mieux possible pour que le principe actif puisse passer dans le sang et agir à l’endroit prévu comme souhaité. On parle alors de biodisponibilité. Cette biodisponibilité peut être très bonne (100% ou très proche de 100% ; on dit qu’elle est totale) ou partielle, certains médicaments étant très peu absorbés. L’absorption d’un médicament va donc être dépendant de facteurs propres intrinsèques (sa structure et ses propriétés physico-chimiques), mais aussi de facteurs extrinsèques liés au patient (âge, position du corps, activité physique, etc) et aussi pour certains, de la prise d’aliments ou non, voire de la nature des aliments pris (gras, produits laitiers par exemple).

    MEDICAMENTSL’alimentation peut augmenter ou diminuer l’absorption d’un médicament, parfois de façon très importante. Ceci signifie que, pour une quantité prise par le patient par exemple un comprimé, par rapport à la quantité qui serait absorbée à jeun (l’estomac vide), avec de l’alimentation cette quantité sera par exemple diminuée de 50%. Cela est bien sûr très important pour les médicaments dits à marge thérapeutique étroite pour lesquels une petite variation de dose absorbée peut induire soit une inefficacité, soit une toxicité.

    Aussi, nous vous proposons cette année de travailler sur ces interactions médicaments/aliments pour que la cuisine puisse en tenir compte dans l’élaboration des menus.

    Des combinaisons à éviter !

    FRUITSIl faut absolument éviter certaines associations qui fréquemment répétées peuvent avoir des conséquences indésirables, voire dangereuses. Il convient de les connaître afin de respecter un régime approprié. Voici une liste des combinaisons les plus fréquentes à éviter car :

    Le  jus de pamplemousse peut augmenter considérablement l’absorption des médicaments dans l’organisme, notamment ceux destinés à réduire le taux de cholestérol dans le sang ; et que les agrumes doivent être évités avec les anti-inflammatoires ou l’aspirine, sous peine de majorer d’éventuelles brûlures d’estomac ou des reflux acides, voire de les déclencher.

    Les aliments riches en vitamine K comme le chou, les brocolis ou encore l’avocat sont à consommer avec parcimonie par les personnes traitées par des anticoagulants oraux destinés à fluidifier le sang.

    L’alcool, bien évidemment, doit être évité avec tout type de médicaments provoquant des pertes de vigilance comme certains neuroleptiques ou antidépresseurs. Enfin, la caféine est à éviter, notamment lors de traitements contenant certains antibiotiques comme l’enoxacine, la ciprofloxacine et la norfloxacine, utilisés surtout pour traiter les infections urinaires.

    Le millepertuis, consommé souvent pour ses propriétés anxiolytique, agit fortement sur la cyclosporine et la théophylline, sur les contraceptifs, les antirétroviraux et les anticoagulants oraux ; il en diminue l’efficacité.

    La réglisse est à l’origine d’une augmentation de la pression artérielle ; il convient donc de limiter ou, mieux, d’abandonner la consommation de réglisse en cas d’hypertension.

    LAITLe lait diminue l’absorption des tétracyclines (antibiotiques) par un mécanisme de compétition de l’absorption entre les ions calcium contenus en grande quantité dans l’aliment et l’antibiotique.

    Enfin, le thon peut provoquer des manifestations aiguës de type allergique chez les personnes traitées par isoniazide (antibiotique utilisé dans le traitement de la tuberculose)

    Mieux vaut éviter de manger du hareng et du maquereau pendant une chimiothérapie
    Une étude néerlandaise publiée dans « JAMA Oncology » met en garde contre la consommation de certains poissons pendant une chimiothérapie.

    Au vu de l’ensemble d’une série d’expérimentations, l’équipe du Netherlands Cancer Institute d’Amsterdam s’inquiète du fait que l’ingestion d’un acide gras de poisson particulier dit PIFA (pour « platinum-induced fatty acid » en anglais), le PIFA 16:4(n-3), pourrait être à l’origine de chimiorésistance.

    Des suppléments alimentaires

    La consommation de suppléments alimentaires est une pratique répandue chez les sujets ayant un cancer, qui espèrent ainsi influer positivement sur leur état de santé. Les effets réels pourraient ne pas correspondre aux attentes, comme le craint l’équipe néerlandaise au sujet des huiles de poisson. Le Pr Emile Voest et ses collègues avaient montré auparavant que deux acides gras de poisson en quantités infimes, dont le PIFA 16:4(n-3), étaient capables d’entraîner une chimiorésistance chez la souris.

    Chez les 118 patients ayant un cancer qui ont accepté de répondre au questionnaire spécifique, les chercheurs ont trouvé que 11 % consommaient des suppléments alimentaires de type oméga 3. Pour le volet pharmacocinétique, une étude menée sur 6 huiles de poisson et 4 types de poisson, a révélé que toutes les huiles (3 de sardines et/ou anchois, 1 de lançon et 2 d’origine indéterminée) contenaient des taux élevés de l’acide gras PIFA 16:4(n-3). Contrairement au thon et au saumon, le maquereau et le hareng fumés contenaient des taux élevés de l’acide gras. De plus chez la souris, la consommation de 1 microlitre d’huile de poisson a augmenté la résistance à plusieurs chimiothérapies (irinotécan, cis-platine, oxaliplatine).

    Le thon et le saumon hors de cause.

    Médicaments/ Aliments - Des liaisons dangereusesEnfin chez l’homme, parmi une trentaine de volontaires sains, les chercheurs ont montré que la consommation d’huiles de poisson, de trois marques différentes mais toutes à base d’anchois et de sardine, à la dose recommandée de 10 ml, augmentait significativement le taux sanguin de l’acide gras, et jusqu’à 20 fois la normale. De même, dans une autre expérimentation avec 4 variétés de poisson, l’équipe a constaté que la consommation standard de maquereau fumé et de hareng fumé (100 g) augmentait significativement le taux de PIFA 16:4(n-3) par rapport à celle de thon et de saumon.

    Après ingestion de 10 ml d’huile de poisson, il fallait attendre 8 heures pour revenir à une normalisation complète des taux sanguins de l’acide gras. Les chiffres de demi-vie étaient comparables après consommation de poisson. L’étude conclut ainsi : « Jusqu’à ce que des données complémentaires soient disponibles, nous conseillons aux patients d’éviter provisoirement l’huile de poisson, à partir de la veille de la chimiothérapie jusqu’au jour suivant. »

    Cet exposé veut montrer combien l’absorption d’un aliment  a son importance et, de ce fait, peut déséquilibrer l’effet de médicament, le rendre inefficace voire toxique. Il est primordial que nous soyons tous sensibilisés à ce problème afin que les établissements de santé tiennent compte de toutes ces données. Notre secteur pourrait se spécialiser sur l’élaboration des menus qui tiendraient compte de tous les paramètres liés aux interactions aliments/médicaments.

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