Un peu de Perchlorate dans votre eau froide ?

    Un peu de Perchlorate dans votre eau froide ?

    Non ? C’est que vous n’habitez pas dans le Nord-Pas-de-Calais dont la population s’émeut grandement de constater la présence de Perchlorate en quantité dans son eau de boisson.

    Qu’est-ce-que c’est ?

    Ce sont des sels chlorés très solubles dans l’eau. On les utilise dans de nombreuses applications industrielles, notamment les domaines militaires et de l’aérospatiale. Ils interviennent dans la fabrication des propulseurs de fusées, dans les dispositifs pyrotechniques, dans la poudre des armes à feu, et autres productions issues du génie inventif des hommes.

    Mais on les retrouve aussi dans l’environnement du fait des rejets industriels toujours généreux en nuisances de toutes sortes du côté de l’environnement.

    Pourquoi dans le Nord-Pas-de-Calais plus particulièrement ?

    Sans doute par suite de l’utilisation intensive qui en a été faite grâce aux exploits techniques entraînés par la première guerre mondiale et par l’obstination d’obus et de munitions, à demeurer dans les sols de cette terre autrefois dévastée.

    Et cela dure depuis quand ?

    Les premières analyses n’ont été effectuées que depuis l’automne 2011 du fait que les ions de perchlorate ne figurent pas dans la liste des substances réglementées pour la qualité de l’eau du robinet.  Mais on les utilise depuis le « stupide »19ème siècle comme l’appelait Léon Daudet.  On ne sait donc pas quelles ont été les concentrations de cette charmante substance que nos compatriotes ont bues avant cette date.

    Quels ont été et quels sont les risques sur les populations ?

    On nous affirme tout de go que « cette substance n’est pas cancérigène ». Soit.

    Un peu de Perchlorate dans votre eau froide ?Mais 2011-2018 cela fait un peu court pour être aussi catégorique, aussi faut-il peut-être s’attendre à d’éventuels repentirs d’ici à quelques années comme pour toutes sortes d’autres substances dont on nous jurait qu’elles ne l’étaient pas et qui sont maintenant au cœur d’invraisemblables scandales sanitaires.

    Cependant on veut bien nous laisser entendre que même si « les études épidémiologiques ne permettent pas de conclure à une relation causale entre une exposition environnementale aux perchlorates et des effets sur la fonction thyroïdienne, le perchlorate peut, par compétition, induire une diminution de l’absorption d’iode qui pourrait elle-même entraîner un déficit en hormones thyroïdiennes. Il s’agit donc d’un effet biologique plus que clinique ». Ah bon ! Nous faut-il comprendre qu’il est plus rassurant de souffrir d’éventuels effets biologiques plutôt que d’effets cliniques ?

    Nous, à la place des intéressés, on se méfierait par l’emploi de tirades aussi alambiquées pour nous affirmer l’innocuité d’une substance que nous avalons à longueur d’année dans notre eau de boisson et dont, en définitive, on ne sait pas grand-chose.

    Toujours sur le même ton rassurant, on nous affirme que les perchlorates ne s’accumulent pas dans l’organisme humain  et que leurs effets – tiens donc, nous avions cru comprendre qu’ils n’en avaient aucun ! –  sont réversibles chez l’adulte et l’enfant. On ajoute même que les fluctuations de courte durée des hormones thyroïdiennes ne sont pas un problème chez l’adulte et l’enfant, sans déficit en apport d’iode, car la thyroïde présente des mécanismes adaptatifs face à une variation des apports en iode.

    Nous voilà pleinement rassurés.

    Mais pourquoi avons-nous la pénible impression d’avoir entendu un discours similaire sur le bisphénol A, sur les phtalates, sur les ingrédients entrant dans la composition de la pilule, sur le Médiator… et nous en passons. …

    Alors on nous explique que les études réalisées chez l’homme (études réalisées par qui, au fait ?) par ingestion de perchlorate de potassium via l’eau de boisson montrent que les ions perchlorate sont rapidement absorbés au niveau du tractus gastro-intestinal – que les concentrations sanguines maximales sont atteintes en quelques heures (ATSDR, 2009) – que les ions perchlorate sont distribués rapidement dans l’organisme, notamment vers la thyroïde. Et autres explications scientifiques que nous serions bien en peine de confirmer ou d’infirmer. Une seule question : et c’est bon pour nous tout ça ?

    Il est vrai que ces précieuses informations nous sont données par l’ANSES. De quoi, donc, être pleinement rassurés.

    Nous passons aussi sur la façon dont les seuils ont été établis car elle n’entre pas dans le cadre de notre réflexion, d’autant qu’elle repose sur des « hypothèses de travail » et non sur des réalités mesurables.

    Mais, après ce déluge de données rassurantes, le rapport de l’Anses se pose la question suivante :

    quelles sont les personnes les plus à risque ?

    Un peu de Perchlorate dans votre eau froide ?Étonnant non ? Car s’il y a des personnes à risque, c’est qu’il y a des risques, n’aurait pas manqué de faire remarquer M de La Palisse.

    Et le rapport de préciser :

    – les nourrissons alimentés par les biberons préparés avec l’eau du robinet.

    – les femmes allaitantes pour le nourrisson, les perchlorates passant dans le lait maternel

    – les femmes enceintes pour le fœtus : les perchlorates passant dans le sang et traversant le placenta atteindraient le fœtus.

    Bref, là aussi « les femmes boivent et les enfants trinquent ».

    Dans tous ces cas la production d’hormones thyroïdiennes se trouve diminuée du fait de la consommation par l’enfant ou par la mère d’eau contenant des perchlorates.

    Quelles recherches ont-elles été décidées ?

    La DGS a saisi l’Institut de veille sanitaire pour réaliser une étude épidémiologique. Mais certaines données techniques faisant défaut, on s’est modestement rabattu sur la décision de mener une étude exploratoire visant dans un premier temps à rechercher un lien entre le niveau d’hormone thyréostimuline (TSH) à la naissance et la concentration en perchlorate de l’eau délivrée dans chaque commune est en cours de validation.

    Ce sont les résultats de cette « exploration » qui décideront ou non de la possibilité d’envisager un travail de recherche sur les effets d’une exposition aux ions perchlorate sur la santé humaine.

    Bref, il passera beaucoup d’eau sous les ponts et dans les verres avant que nous soyons vraiment fixés sur les dangers réels d’une telle exposition généralisée des populations du Nord-Pas-de-Calais aux perchlorates.

    Quelles mesures ont été prises en attendant ?

    Nous citons intégralement :

    « Il a été demandé aux distributeurs d’eau de mettre en œuvre, dès que possible, un traitement de l’eau visant à diminuer le taux de perchlorates sous les 4 µg/L pour l’ensemble de la population. Des procédés de dilution peuvent être utilisés dans les zones où des ressources non polluées sont disponibles à proximité des ressources polluées.

    Par ailleurs, les autorités sanitaires et les distributeurs travaillent pour trouver d’autres solutions de traitement. Parmi ces solutions, certaines résines échangeuses d’ions seraient susceptibles d’être utilisées pour éliminer les perchlorates. Ces procédés, qui sont strictement encadrés en France, ne pourront être homologués qu’après analyse précise de leur innocuité ».

    Si on comprend bien on pourrait remplacer un poison éventuel par un autre produit… qui risquerait de se révéler tout aussi potentiellement nocif !

    On n’arrête décidément pas le progrès technoscientifique.

    Et ailleurs en France ?

    Mais on aurait tort de croire que l’invasion de notre eau de boisson par les perchlorates se limite aux régions susdites car une campagne nationale de mesures réalisée par le laboratoire d’hydrologie de l’ANSES a révélé la même situation dans les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées en 2011

    Les laits infantiles en première ligne.

    Un peu de Perchlorate dans votre eau froide ?Des analyses ont même porté sur les eaux embouteillées en France et sur les laits infantiles. Si les eaux en bouteille ont été libérées de tout soupçon, il n’en est pas de même pour les laits infantiles. Un plan de surveillance mis en place en 2012 a dévoilé que les laits 1er et 2e âge, reconstitués avec une eau sans perchlorate, ont des teneurs moyennes constatées de 1,8 et 2,8 microgrammes par litre, et des teneurs maximales atteignant 8,7, voire 10,2 microgrammes par litres !

    Conclusion :  la reconstitution du lait pour les biberons peut conduire à un dépassement de la valeur toxique de référence (VTR) chez 5 % des enfants de moins de 6 mois. Or il s’agit d’une population sensible aux effets des ions perchlorate. En effet, ils inhibent l’incorporation de l’iode dans la thyroïde, l’une des premières étapes de la synthèse des hormones thyroïdiennes. D’autres travaux sont en cours, notamment des mesures de concentration d’ions perchlorate dans les fruits et légumes.

    On constate le changement de ton entre le début de cet article et sa conclusion.

    Une substance considérée comme inoffensive au début, se révèle dangereuse pour une « population sensible aux effets » de la dite substance, à la fin.

    C’est à dire à nos bébés, à nos femmes enceintes et à nos enfants.

    Nous voilà avertis.

    Olivier TOMA -PRIMUM-NON-NOCERE

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