La protection de l’environnement comme liberté fondamentale : une consécration historique ?

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    Le Conseil d’État consacre la protection de l’environnement comme liberté fondamentale.

    Depuis deux semaines, la protection de l’environnement s’ajoute à la liste des libertés fondamentales. En effet, l’actualité notamment relative à l’énergie dont la « fin de l’abondance »[1] ne cesse de démontrer la centralité des enjeux environnementaux. Le juge administratif consacre la protection de l’environnement comme liberté fondamentale. Si l’engouement général face à cette décision est sans précédent, il convient de rester prudent face à cette décision et de l’analyser afin d’en mesurer les conséquences.

    La santé au sens large – Il faut attendre 2005 pour que la charte de l’environnement intègre le bloc de constitutionnalité[2]. L’article 1er de la charte de l’environnement dispose que : « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Aux termes de cet article, la notion de « santé » doit être envisagée au sens large. Cela s’insère dans l’optique de la définition dégagée par l’OMS, « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »[3]. Il apparaît nécessaire de développer cette appréhension globale, pluridisciplinaire et « holistique » de la santé dont le projet « one health » est l’illustration parfaite[4]. Assurément, la protection de la santé, lato sensu, peut « être au cœur des prochaines batailles »[5]. Afin d’appuyer ces propos, la crise sanitaire souligne les interactions entre la santé et l’environnement. Ainsi, il convient de comprendre que le premier article de la charte tend à décloisonner santé et environnement afin de protéger la santé publique et in fine l’intérêt général.

    L’applicabilité effective de la charte – Si les sages de la rue de Montpensier sont « moins enjoué et limite encore l’invocabilité et l’applicabilité » de cette charte[6], la décision d’espèce témoigne-t-elle d’un schisme entre la haute juridiction administrative et le Conseil Constitutionnel ? Cela n’est pas si certain puisque les juges constitutionnels considèrent que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation et que les choix présents ne doivent pas compromettre les générations futures[7]. Les garants de la Constitution ont aussi eu l’occasion de consacrer la protection de l’environnement comme objectif à valeur constitutionnel[8]. Le juge de l’urgence va plus loin. Dans cet arrêt, le juge des référés rappelle qu’est proclamé au sein de la charte « le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé »[9]. Un considérant après, la haute juridiction administrative affirme que « le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a commis une erreur de droit ».

    L’application conditionnée de la protection de l’environnement – Afin qu’un référé-liberté soit recevable devant le juge, celui-ci doit réunir trois conditions classiques. L’article L. 521-2 du Code de justice administrative dispose que le requérant doit justifier de l’urgence, démontrer qu’une liberté fondamentale est en cause comme la liberté d’aller et venir, la liberté d’expression etc. et prouver que l’atteinte portée à cette liberté est grave et manifestement illégale. La dernière condition étant particulièrement complexe à démontrer.

    En l’espèce, au sein du considérant matriciel de l’arrêt, le juge administratif spécifie que la situation sera jugée au « regard de sa situation personnelle »[10]. Autrement dit, le juge effectuera une application in concreto à l’aune de « ses conditions ou son cadre de vie sont gravement et directement affectés, ou des intérêts qu’elle entend défendre » manifeste-t-il[11].

     

    Par conséquent, cette décision est historique puisqu’elle est le fruit d’une création prétorienne audacieuse et peut ouvrir une voie contentieuse nouvelle. En revanche, si invoquer la protection du droit de l’environnement devant le juge des référés est désormais possible, il n’est pas garanti que le requérant remplisse toutes les conditions dont les « circonstances particulières » permettant de justifier cette procédure d’urgence. Cette jurisprudence est fascinante sur le plan juridique mais révolutionne-t-elle le contentieux ? Le juge lui-même aura sans doute l’occasion de préciser son office.

     

    Agathe Fontenelle,

    Doctorante en droit privé à faculté de droit des sciences politiques de Montpellier,

    au Centre Européen de Recherche en Droit et Santé et

     Juriste et consultante RSE à Primum Non Nocere

    [1]Emmanuel Macron, Allocution présidentielle du 24 août 2022

    [2]Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1 mars 2005 relative à la Charte de l’environnement

    [3]Article 1er du préambule de la Constitution de l’OMS

    [4]https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/contribution_conseil_scientifique_8_fevrier_2022_one_health.pdf page 2

    [5]Stéphanie Renard, Covid-19 et libertés : du collectif vers l’intime, RDLF 2020 chron. n°11

    [6]Meryem Deffairi. « La portée constitutionnelle des dispositions de la Charte de l’environnement »Titre VII, vol. 8, no. 1, 2022, p. 55

    [7]C. const., Décision n° 2022-843 DC du 12 août 2022

    [8]C. const., Décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020

    [9]CE 20 septembre 2022 n°451129, considérant 5

    [10]Ibid

    [11]Ibid

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