Les résidus de médicaments dans l’eau…

    Les résidus de médicaments dans l’eau…

    L’Académie de pharmacie a publié le premier rapport sur le sujet en 2008 synthétisant les connaissances sur la nature des dangers, les effets associés, les risques d’exposition, les évaluations des risques et les mesures de gestion.

    Ce rapport évoquait déjà en 2008 :

    « Grâce aux progrès de l’analyse physico-chimique, la présence de traces de substances médicamenteuses et de leurs dérivés ou métabolites a été largement établie à l’échelle mondiale en particulier dans les eaux superficielles et souterraines, dans les eaux résiduaires, dans les boues des stations d’épuration utilisées en épandage agricole et dans les sols. Ces résidus s’ajoutent aux nombreuses substances non médicamenteuses liées aux activités humaines, également présentes dans l’environnement telles que les produits phytosanitaires, détergents, hydrocarbures, métaux, etc.

    Selon les substances médicamenteuses et les différentes catégories d’eau, les concentrations retrouvées varient dans une gamme allant du nanogramme par litre dans les eaux superficielles douces ou marines, les eaux souterraines et les eaux destinées à la consommation humaine, jusqu’au microgramme, voire à plusieurs centaines de microgrammes par litre dans les effluents et les eaux résiduaires, avec des variations spatio-temporelles dépendant des activités humaines. La situation est très inégale selon les pays en fonction de leur développement socio-économique, de l’accès de leurs populations aux soins et de leurs réglementations.

    Deux catégories de sources d’émission peuvent ainsi être identifiées :

    – les sources d’émissions diffuses consécutives aux rejets de substances médicamenteuses et de leurs dérivés dans les urines et les fécès de la population humaine et des animaux de compagnie et d’élevage ou aux déchets des usagers,

    – les sources d’émissions ponctuelles liées aux rejets de l’industrie chimique fine, de l’industrie pharmaceutique, des établissements de soins, des élevages industriels animaux et piscicoles ou aux épandages des boues de stations d’épuration. Les rejets des établissements de soins représentent une situation particulière en raison du nombre de malades traités, de la quantité et de la diversité des médicaments utilisés notamment des anticancéreux, des anesthésiques,

    L’éventualité de risques sanitaires pour l’homme, dus à l’exposition des populations aux résidus de substances médicamenteuses, n’est pas encore suffisamment documentée et leur présence dans les eaux superficielles et souterraines voire dans l’eau du robinet, peut inquiéter. L’exposition à de tels résidus par des eaux destinées à la consommation humaine dépend à la fois de la qualité des ressources utilisées et de l’efficacité de leur traitement de potabilisation.

    Des traces de substances médicamenteuses appartenant à une quarantaine de classes thérapeutiques ont été détectées dans les eaux superficielles à la sortie des stations d’épuration en France mais aussi sur tous les continents. Il a été démontré que le taux de destruction ou de rétention dans les boues des eaux résiduaires des stations d’assainissement était très variable selon les classes thérapeutiques et, dans une même classe, selon les substances (de 30 à plus de 90 %). Il a été aussi mis en évidence que des stations d’épuration pouvaient transformer certaines substances et leur redonner une forme biologiquement active. De plus, toutes les substances présentes dans les boues d’épuration peuvent théoriquement être transférées à l’homme après épandage sur les sols via les plantes alimentaires et/ou les animaux d’élevage mais ce risque d’exposition est insuffisamment documenté. »

    Les résidus de médicaments dans l’eau…En mars 2019, l’académie de pharmacie a publié son nouveau rapport « Médicaments et environnement » dont nous reprenons les éléments principaux ci-dessous, vous y découvrirez quelques subtilités… :

    « Les médicaments sont essentiels et plus de 3 000 principes actifs (PA) sont disponibles pour la prise en charge de la santé des populations humaines et animales à travers le monde. Ces PA, de nature très variée, issus pour beaucoup de la synthèse chimique, sont produits à plus de 100 000 tonnes par an. Cette production, en rapport avec leurs usages, conduit logiquement, comme pour toutes les autres molécules d’usages massifs et courants, à leur présence dans l’environnement avec des concentrations du même ordre de grandeur que celles d’autres micro-polluants comme les produits phytosanitaires. Les PA de médicaments sont conçus pour induire un effet biologique favorable à la santé de l’organisme animal ou humain. Ils sont mis sur le marché en raison de leurs effets biologiques intrinsèques et les résidus dispersés dans l’environnement portent potentiellement ces mêmes effets. Après avoir exercé leurs effets thérapeutiques envers l’Homme ou l’animal, les PA sont éliminés par les organismes en étant plus ou moins transformés par métabolisation. »

    Suite à la prise de conscience de la présence de RdM dans le milieu aquatique à la fin des années 1980, le nombre de publications scientifiques sur l’occurrence des RdM dans l’environnement a augmenté de façon très importante. Des campagnes nationales d’analyses ont été conduites dans différents pays complétant cette connaissance sur la présence des RdM dans l’environnement. Il est aujourd’hui démontré et admis par la communauté scientifique, comme par de nombreux gestionnaires et législateurs que les RdM sont présents dans les différents milieux : eaux usées, eaux de surface, eaux côtières, eaux souterraines, certaines eaux destinées à la consommation humaine, boues des stations d’épuration et sols.

    Les RdM sont ainsi reconnus et intégrés dans la très vaste famille des micro-polluants organiques des milieux aquatiques, comme le sont depuis longtemps les pesticides, les plastifiants, les retardateurs de flamme, les hydrocarbures et autres polluants. Ces éléments ont conduit la France à structurer le premier plan national sur le sujet puis à l’introduire dans son dernier Plan « micro-polluants ».

    Parallèlement à ces travaux et à cette prise de conscience, le contexte réglementaire a évolué. D’une part, la préoccupation environnementale a conduit à l’introduction, au niveau de l’Union européenne, en 2006, d’un volet « Évaluation du risque pour l’Environnement » (ERA) dans les dossiers d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) des nouveaux médicaments à usage humain évalués par l’Agence européenne des médicaments (EMA). Cette ERA existait déjà à cette date pour les médicaments à usage vétérinaire. D’autre part, la préoccupation de la préservation de la qualité des milieux aquatiques dans le cadre de la Directive Cadre sur l’Eau a conduit à l’introduction de molécules à usage de médicaments dans une liste de vigilance. Aujourd’hui, en France, une dizaine de ces molécules figurent dans la liste des molécules pertinentes à surveiller dans les plans de suivis des milieux aquatiques. Cette évolution sera présentée dans ce document.

    « La dispersion des RdM est une préoccupation environnementale et sanitaire mondiale. Dans un contexte de pression démographique urbaine, de vieillissement de la population, avec augmentation de la prise en charge de la morbidité associée, y compris au domicile des patients, cette pression anthropique sur l’environnement est en accroissement. De plus, dans un contexte de changement climatique, de la modification de la disponibilité de la ressource en eau, de la modification de l’usage de l’eau avec notamment la réutilisation croissante des eaux usées, cette pression anthropique va évoluer, la transformation et la disponibilité des RdM dans l’environnement vont changer nécessitant la mise en place d’actions adaptées de gestion reposant sur des progrès scientifiques, technologiques et sociologiques. »

    « Dans ce rapport, seule la problématique de la contamination chronique des milieux (eau, sols, air) par les RdM est présentée, l’eau étant le vecteur majeur de cette contamination. Les rejets accidentels des sites de production ne sont pas détaillés.

    Différentes actions ont été proposées, discutées, mises en œuvre pour limiter cette contamination de l’environnement. La maîtrise des sites de production, la gestion des médicaments non utilisés, l’amélioration des performances des stations d’épuration des eaux usées (STEU), la prise en charge spécifique des établissements hospitaliers, la proposition d’un indice suédois de classement des substances actives en fonction de leur impact pour l’environnement sont autant d’exemples d’actions de gestions préventives ou curatives qui seront discutées dans ce document. »

    Les résidus de médicaments dans l’eau…Le cycle de vie des médicaments 

    « Il existe de multiples lieux de production et d’usage des médicaments conduisant à des rejets dans l’environnement.

    En complément des rejets pouvant intervenir en sortie des unités de production, les RdM peuvent se retrouver directement dans les eaux ou les sols au cours de l’usage thérapeutique (usage vétérinaire essentiellement).

    Beaucoup de RdM rejoignent les eaux et les sols après traitement (eaux usées et médicaments à usage humain ; stockage et traitement des boues et lisiers).

    Les établissements de soins ne constituent pas les sources principales de contamination des eaux usées urbaines. »

    Le constat de la contamination environnementale 

    « Il est important de rappeler au préalable que les milieux concernés par cette contamination par les RdM le sont aussi par la présence d’autres micropolluants (pesticides, plastifiants, hydrocarbures, perfluorés, retardateurs de flamme bromés…). Le constat de la contamination par les RdM doit donc être impérativement conduit dans le contexte plus global de la problématique des micropolluants et de l’environnement en général. »

    Contamination des milieux aquatiques 

    « Comme présenté dans le chapitre 2, en raison de l’usage et des caractéristiques physicochimiques des produits à usage pharmaceutique, les milieux aquatiques sont les plus concernés par la contamination par les RdM car ils sont en général le compartiment récepteur des xénobiotiques polaires ou rendus polaires par métabolisation. »

    Les stations d’épuration 

    « Les effluents urbains sont une des principales sources de leur déversement dans les milieux aquatiques récepteurs en raison de leur incomplète dégradation dans les STEU conventionnelles, lorsqu’elles existent. Ces stations n’ont pas été conçues pour traiter spécifiquement des micropolluants organiques à l’état de traces comme le sont notamment les RdM. Les taux d’élimination au sein des STEU sont très variables selon les molécules.

    À titre d’exemple, une vaste étude de suivi des micropolluants des eaux usées a été conduite en Europe (EU Wide Monitoring Survey on Waste Water Treatment Plant Effluents, 2012). Les RdM les plus fréquemment détectés dans plus de 80 % des échantillons d’eaux usées analysés sont, entre autres, le tramadol, la venlafaxine, la codéine, le fluconazole, la benzotriazole, le bisoprolol, la ciprofloxacine, l’oxazépam, la carbamazépine, le diclofénac, la sulfaméthoxazole, le triméthoprime »

    Les eaux de surface

    « L’ensemble des études conduites témoigne de la présence des résidus de médicaments dans les eaux de surface associée, entre autres, à la pression anthropique. Les RdM non retenus ou non éliminés directement dans les STEU sont déversés dans les eaux de surface.

    Des articles de synthèse ont été publiés sur ce sujet ces dernières années (Pal et al., 2010). Comme dans les eaux usées, plus d’une centaine de molécules de diverses classes pharmaceutiques -des analgésiques et anti-inflammatoires, des antibiotiques, des antiépileptiques, des bêtabloquants, des hypocholestérolémiants, des agents de contraste, des hormones, des antidépresseurs et anxiolytiques-ont été trouvées dans les eaux de surface.

    La présence de RdM dans les eaux françaises a fait l’objet d’une étude prospective en 2012, dans le cadre d’une étude plus globale sur les contaminants émergents (Botta et Dulio, 2014), dans le contexte du plan micropolluants (Meeddm, 2010)et du plan national sur les

    RdM (Meedtl, 2011). Dix-sept molécules ont été quantifiées au moins une fois dans les eaux de surface de métropole (matrice eau) soit environ 75 % des cibles recherchées. Quatre molécules (carbamazépine, acide niflumique, oxazépam, kétoprofène) ont été trouvées dans plus de 50 % des échantillons. La concentration maximale a été mesurée pour l’oxazépam avec 2 μg/L. Sont également à signaler deux hormones (un estrogène, l’estrone et un progestatif de synthèse, le norethindrone) quantifiées dans environ 5 % des échantillons avec une concentration maximale de 0,09 μg/L pour l’estrone. Cette étude confirme que des RdM sont présents dans les eaux de surface en France au côté d’autres micropolluants comme les parabènes (utilisés dans les produits de soins corporels) présents dans plus de 99 % des eaux de surface échantillonnées, des phtalates. »

    Les résidus de médicaments dans l’eau…Les eaux souterraines

    « Sans surprise, la présence de RdM issus de différentes classes pharmaceutiques a été notée dans les eaux souterraines . Leurs concentrations, souvent plus faibles que dans les eaux de surface, varient du ng/L à la centaine de ng/L.

    Deux études prospectives menées par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et l’Office national des eaux et des milieux aquatiques (ONEMA) ont été menées en 2011 en métropole et dans les DOM sur ce sujet dans le cadre d’une étude plus globale sur les micropolluants organiques.

    Environ 60 PA ont été quantifiés au moins une fois au côté d’autres micropolluants tels que des produits phytosanitaires ou des substances d’usage domestique ou industriel. »

    Les eaux côtières

    « L’origine de la contamination du milieu marin est principalement continentale. Il convient de noter que les médicaments sont directement déversés dans l’eau en aquaculture ou pénéiculture.

    Les données de la littérature sur ces pollutions sont plus récentes. Arpin-Pont et al. (2014) ont édité une revue de la littérature sur ce thème indiquant qu’environ 190 RdM ont fait l’objet de recherche dans les eaux marines. Les molécules les plus souvent détectées sont des antibiotiques (érythromycine, sulfaméthoxazole et triméthoprime), un anti-épileptique (carbamazépine), un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) l’ibuprofène.

    Vingt molécules apparaissent dans plusieurs études : paracétamol, aténolol, carbamazépine, clarithromycine, diclofénac, 17α- éthinyloestradiol, érythromycine-H 2 O, gemfibrozil, ibuprofène, kétoprofène, naproxène, norfloxacine, oxafloxacine, propranolol, roxithromycine, sulfadiazine, sulfadimidine, sulfaméthoxazole, triméthoprime, tétracycline.

    Des RdM, dégradés de façon variable (de moins de 10 % à plus de 90 %) dans les STEU, sont trouvés dans les effluents déversés dans le milieu récepteur avec des concentrations inférieures au ng/L notamment pour les hormones de synthèse et jusqu’à plusieurs μg/L notamment pour certains antalgiques (selon les quantités consommées, leur persistance ….).

    Outre les caractéristiques physicochimiques des RdM concernés, selon l’efficacité de la STEU et la qualité de sa gestion, les taux d’élimination dans l’eau sont variables et il convient de ne pas oublier que dans de nombreux pays les eaux usées ne sont pas ou peu traitées.

    Dans les eaux de surface, les RdM sont trouvés à des concentrations pouvant atteindre la centaine de ng/L selon la proximité d’un rejet de STEU pour les médicaments à usage humain, ou la proximité d’un élevage intensif pour les médicaments à usage vétérinaire. Fort logiquement, les RdM sont moins fréquemment trouvés dans les eaux souterraines que dans les eaux superficielles. Quand ils y sont présents, leur concentration est le plus souvent inférieure à celle mesurée dans les eaux de surface.

    Les RdM sont présents au côté d’autres micropolluants comme des pesticides, des produits d’usages domestique et industriel. Le niveau de connaissance est encore faible sur les métabolites et produits de transformation. »

    Les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) distribuées en réseau public

    « En France, une seule campagne d’ampleur nationale d’analyse des RdM dans les EDCH a été conduite par l’Anses en 2010 (Anses, 2011) sur 280 échantillons. 2/3 provenaient d’eaux souterraines et 1/3 d’eaux superficielles. 75 % des échantillons ne contenaient aucune molécule quantifiable. Pour les 25 % d’échantillons positifs, les analyses ont révélé généralement la présence de une à quatre molécules dont les plus fréquemment détectées (hors caféine) sont l’époxycarbamazépine, la carbamazépine, l’oxazépam et l’hydroxyibuprofène. L’oxazépam, fréquemment retrouvé, constitue à la fois une molécule mère et un métabolite de la famille des benzodiazépines. »

    Les résidus solides, liquides d’origine agricole, et domestiques, produits d’épandages des sols.Les résidus de médicaments dans l’eau…

    « Dans les STEU, les RdM sont principalement retrouvés dans la phase dissoute, cependant le compartiment boues est également concerné. Dans le cadre du projet AMPERES, les RdM sont retrouvés essentiellement dans la phase dissoute mais sont également présents à faibles concentrations dans les boues (entre 1ng/g et 245 ng/g) sauf pour l’aspirine et le kétoprofène (7 985 et 3 799 ng/g respectivement). La présence de RdM dans les boues varie fortement en fonction de leurs caractéristiques physicochimiques et notamment de leur Kow, pKa et Kd, des caractéristiques de la boue (CEC, carbone organique), de leur concentration dans la phase aqueuse et de leur biodégradabilité. De plus, les boues issues des STEU par boues activées en fonction de leur destination (usage agricole, incinération) sont soumises à différents types de traitements (stabilisation chimique ou biologique, déshydratation…) conduisant le plus souvent à une diminution des RdM. Une revue récente fait une synthèse des données disponibles, notamment sur les RdM dans les boues brutes et traitées (59 publications entre 2002 et 2015 faisant référence à 152 RdM). Dans les boues secondaires (issues du traitement biologique des boues), les antiseptiques et les antibiotiques présentent les concentrations les Rapport_Medicaments_Environnement 2019.04.24 VF 31 plus élevées, de quelques dizaines de ng/g de matières sèches (MS) à plus de 10 000ng/g MS (clarithromycine : 67,000 ng/g MS). Ces concentrations diminuent au cours des traitements des boues notamment lors de la digestion anaérobie et du compostage.

    Une des questions essentielles est le devenir de ces RdM après épandage sur les sols… »

    L’ÉVALUATION DES RISQUES LIÉS À LA PRÉSENCE DE RÉSIDUS DE MÉDICAMENTS DANS LES EAUX

    « Suite au constat de la contamination de l’environnement par les RdM, à leur toxicité potentielle pour des organismes non-cible, et aux expositions indirectes de la population, différentes procédures d’évaluation des risques pour l’environnement et la santé publique ont été proposées. Certaines ont été développées pour répondre aux besoins d’un cadre réglementaire, comme l’évaluation des risques environnementaux dans les dossiers d’AMM, d’autres pour répondre aux nécessités des agences sanitaires d’évaluation des risques pour la santé publique. Ces procédures d’évaluation des risques ont également fait l’objet de travaux de recherche afin, d’une part de proposer de nouveaux outils et des adaptations des procédures et, d’autre part de conduire des évaluations du risque dans des contextes particuliers.

    La situation globale est maintenant assez claire : l’environnement mondial, avec en particulier ses milieux aquatiques, est contaminé par une grande diversité de produits chimiques parmi lesquels se trouvent des RdM. La diffusion est continue, variable selon les flux déversés, les conditions de pluviométrie et l’équipement des pays en STEU.

    Il s’agit donc d’un mélange complexe de contaminants dont certains présentent des effets biologiques significatifs, auxquels sont exposés les organismes et parfois les organismes humains via l’eau et les aliments.

    C’est pour tenter de répondre à ces questions et faire le point sur la connaissance mondiale, qu’en septembre 2016, s’est tenue à Paris la première conférence internationale sur l’évaluation des risques environnementaux et sanitaires liés aux résidus de médicaments dans l’environnement (ICRAPHE – International conference on risk assessment of pharmaceuticals in the environment). Organisée par l’Académie nationale de Pharmacie, sous l’égide des ministères en charge de l’environnement et de la santé, cette conférence avait pour ambition de mener la nécessaire synthèse des connaissances sur la capacité internationale des agences et des équipes de recherche à établir une représentation des risques. »

    Avec une grande simplification, les principales conclusions de la conférence ICRAPHE, sont :

    • La présence des dangers (PA et métabolites de médicaments) dans l’environnement n’est plus contestable ;
    • Des outils analytiques très performants existent mais les métabolites et les produits de transformation pertinents sont très peu étudiés dans les milieux ;
    • Les concentrations en présence sont très faibles mais les expositions sont chroniques et il s’agit de mélanges avec de très nombreux autres micropolluants dont certains sont également biologiquement actifs ;
    • La large variété des effets (antibiotiques, anti-inflammatoires, psychoactifs, hypolipémiants…) rend, par définition, impossible le développement d’un test biologique unique. De plus, il est relativement complexe d’effectuer une batterie judicieuse d’essais permettant la surveillance en routine de la qualité des milieux.

    L’écotoxicité.

    « Globalement nous pouvons dire que, compte tenu du nombre de molécules concernées et du nombre d’organismes, la tâche est immense et l’évaluation des risques environnementaux est, même si de grands progrès ont été accomplis dans l’acquisition de connaissance, encore trop incomplète.

    Il apparaît ainsi, qu’en exposition chronique, certaines molécules sont actives à des concentrations entre le microgramme et la dizaine de microgrammes par litre comme, par exemple, la carbamazépine sur des crustacés, des antibiotiques sur des cyanobactéries ou la fluoxétine sur des poissons. Les hormones sont actives à des concentrations bien plus faibles, proches du nanogramme par litre. Les données confirmant les impacts écotoxiques des RdM sont maintenant très nombreuses et largement publiées. »

    « La problématique associée à la présence de RdM d’antibiotiques dans l’environnement et à l’antibiorésistance est complexe. Il est fort probable que la présence des antibiotiques dans l’ensemble des compartiments de l’activité humaine exerce une influence sur la présence de bactéries résistantes dans l’environnement. Il est important de ne pas restreindre les réflexions sur l’antibiorésistance uniquement à l’utilisation des antibiotiques. »

     

    Les résidus de médicaments dans l’eau…Évaluation des risques sanitaires

     « Ainsi, bien que les PA de médicaments soient des molécules actives particulièrement étudiées avant leur mise sur le marché et que leurs effets chez l’Homme soient connus aux doses thérapeutiques, l’évaluation des risques sanitaires se heurte à une difficulté d’obtention de données permettant la construction de valeurs toxicologiques de référence robustes, principalement pour les médicaments à usage humain, parce qu’elles sont, soit inexistantes, soit inaccessibles. Le manque de données est encore accru pour les métabolites et les produits de transformation des médicaments, tant en termes de toxicité qu’en termes d’exposition. »

    « Les travaux d’évaluation des risques sanitaires associés à la présence de RdM dans des EDCH concluent à un risque négligeable pour la santé humaine en l’état des connaissances. (!!!)  

    Ces évaluations du risque sanitaire se heurtent à des difficultés d’obtention des données pour la construction des valeurs toxicologiques de référence. »

    Donc données inexistantes ou inaccessibles, mais risque négligeable…un peu rapide comme conclusion,non ?

    Actions pour les prescripteurs et les patients  

    « L’Indice suédois de classement des principes actifs en fonction de leur impact pour l’environnement que nous soutenons depuis une décennie…est toujours dans les cartons en France…Pourtant, déjà en 2011 nous participions à une proposition de projet de loi sur le sujet…

    La démarche mise en œuvre par la communauté urbaine de Stockholm représente une initiative pionnière intéressante en termes de sensibilisation des prescripteurs à la problématique des RdM dans l’environnement. Elle consiste à un classement des PA en fonction de leur impact sur l’environnement. Elle s’adresse aux prescripteurs qui souhaitent introduire cette préoccupation dans leur choix thérapeutique et apporte une aide pour leurs décisions. Elle est, pour le moment, et avec ses limites, la seule dans le monde. Le document intitulé « Environmentally classified pharmaceuticals ».

    En réponse à la saisine de la Direction Générale de la Santé (DGS) en date du 1er avril 2015, relative à l’intérêt de la démarche adoptée par la municipalité de Stockholm auprès des prescripteurs, l’Académie nationale de médecine (Anm), l’Académie nationale de

    Pharmacie (AnP) et l’Académie Vétérinaire de France (AVF) ont constitué un groupe d’expertise collective. Les Académies consultées confirment l’intérêt d’une telle démarche, mais insistent tout particulièrement sur l’exigence de validation indépendante des conclusions données à chaque molécule dans le livret et si possible au niveau européen. Après validation ou correction des données publiées, les académies recommandent, avant éventuelle mise à disposition d’un tel livret, de mettre en place une démarche de communication à caractère national, claire et didactique pour les prescripteurs et les dispensateurs, et non anxiogène pour le grand public, sur des éléments factuels de risque avéré de molécules réellement contaminantes. »

    Donc visiblement, cet indice PBT qui existe en Suède depuis plus de 15 ans n’avance pas en France au risque d’être « anxiogène » pour les prescripteurs et le grand public…Mais peut-être sont-ils grands !

    Les résidus de médicaments dans l’eau…Un indice sur chaque boite de médicament, comme dans l’alimentation, serait très certainement de nature à responsabiliser tout le monde… !

    Sur cette base, (Adoptées lors du Conseil du 10 avril 2019)

    « Le problème des résidus de médicaments (RdM) dans l’environnement découle du constat réalisé, sur tous les continents, de la présence de ces contaminants dans les différents compartiments de l’environnement.

    Les analyses de risques réalisées avec les données de contamination, principalement disponibles dans les eaux et pour quelques molécules, confirment des risques écotoxiques mais le risque sanitaire est estimé négligeable en l’état des connaissances.

    Cependant, ces analyses de risques sont encore très incomplètes. Elles s’inscrivent dans la problématique générale des expositions chroniques aux polluants à faible dose et en mélange. »

    L’académie recommande :

    « Pour l’acquisition des connaissances, de :

    – faciliter l’accès aux molécules étalons de RdM, notamment de métabolites et produits de transformation afin de standardiser les méthodes analytiques, d’harmoniser les limites de quantification ; favoriser les essais inter-laboratoires ;

    – réaliser de nouvelles campagnes nationales, européennes et internationales de dosages de RdM dans les eaux destinées à la consommation humaine et dans d’autres matrices (aliments par exemple) dans le but de mieux évaluer l’exposition des populations ;

    – encourager la création de bases de données européennes, en particulier avec la collaboration des industries du médicament, sur les propriétés (éco)toxiques et les consommations pondérales des médicaments à usages humain et vétérinaire et inciter au libre partage des informations ;

    – promouvoir, dans le cadre du plan micro-polluants, les programmes de recherche sur les approches améliorant l’évaluation quantitative des risques (effets toxiques des mélanges, approches multivoies et multi-polluants, développement de bio-essais, …).

    Pour la surveillance des milieux aquatiques, de :

    -Poursuivre la démarche de priorisation des risques associés à la présence de RdM dans l’environnement, afin de faire évoluer les programmes de surveillance réglementaires ;

    – étudier la pertinence et la faisabilité d’indicateurs agrégés pour mieux rendre compte de cette forme de contamination ;

    – évaluer l’impact de la dispensation unitaire des médicaments sur les concentrations environnementales en RdM ;

    Pour les professionnels de santé,

    – de développer les mesures de gestion visant à :

    – renforcer les actions engagées en France sur le bon usage des médicaments à usage humain et vétérinaire ;

    – intensifier les actions engagées en médecine humaine et vétérinaire pour promouvoir l’usage raisonné des antibiotiques et lutter contre l’antibiorésistance ;

    – appeler l’attention, dès leur formation initiale, de tous les professionnels concernés sur le respect des bonnes pratiques de gestion et d’élimination des médicaments ;

    – poursuivre les actions permettant d’augmenter le rendement de collecte, par les pharmaciens, des médicaments humains non utilisés sur l’ensemble du territoire y compris ultra-marin ;

    – organiser une structure nationale de collecte et de destruction des médicaments vétérinaires non utilisés ;

    – élaborer un guide de bonnes pratiques de gestion des déchets de traitement dans le contexte des soins à domicile ;

    Pour les professionnels du traitement de l’eau, de :

    • Favoriser l’efficacité des stations d’épuration des eaux usées (STEU) des industries du médicament et urbaines au regard de l’élimination des micro-polluants »

    Les résidus de médicaments dans l’eau…CONCLUSION provisoire

    Rendez-vous en 2030, pour le prochain rapport de l’académie dont nous vous livrons les conclusions en avant-première :

    « Les consommations de médicaments ont augmenté de 30 % sur la décennie,

    Les séjours hospitaliers sont de très courtes durée, l’HAD, l’ambulatoire se sont très fortement développés, les excrétas humains sont donc extrêmement diffus notamment pour la chimiothérapie ( 98 % orale et à domicile en 2030) .

    Les effluents médicamenteux n’étant pas traités par les stations d’épuration, nous font constater des traces de principes actifs, dans les eaux de boissons, les nappes phréatiques, les eaux souterraines et les eaux de surface.

    Face à l’augmentation de l’antibiorésistance, des zoonoses et des BMR, dans le monde entier et leur surcoût pour l’assurance maladie, l’académie préconise de :

    • Continuer les recherches, car les données sont rares et inaccessibles,
    • Adapter l’indice PBT Suèdois à la France, pour prescrire les médicaments les moins impactants
    • Collecter les excréta humains en période « post-chimiothérapie », pour éviter les rejets diffus, comme en médecine vétérinaire.
    • D’équiper les stations d’épuration de filtre à xénobiotiques… »

    Olivier TOMA.

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