Pas de phosphore, pas de vie ! C’est pourtant ce qui risque de nous arriver dans 30 à 40 ans.

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    D’abord, un peu d’Histoire…

    Parce qu’au XIXème siècle Johann Thomas Hensing, professeur de médecine à l’Université de Giessen en Allemagne centrale, a pu démontrer que si le phosphore ne pouvait entrer dans la fabrication de la pierre philosophale comme l’espérait Hennig Brand (l’alchimiste et découvreur du phosphore) au siècle précédent, il était bel et bien présent dans le cerveau humain.

    Mais si Hennig Brand, à l’instar de son compatriote Kepler et de sa vision cosmique deux siècles avant lui, était parti d’une idée fausse, il n’en avait pas moins abouti à une observation juste : à savoir que le phosphore se trouvait dans l’urine humaine ! D’abord parce que – suivant la loi d’analogie jusqu’à l’absurde, l’urine était jaune comme l’or qu’il cherchait à fabriquer en bon alchimiste qu’il était -, et ensuite parce que ledit phosphore provenait du corps humain, objet de perfection créé par Dieu… idée qu’on ne saurait contredire.

    Et notre bon Hennig d’inventer un processus d’extraction (1669) qui affolerait nos chers défenseurs de l’environnement actuels : recueillir et concentrer de grandes quantités d’urine humaine et les laisser fermenter. Chauffer ensuite les résidus, les distiller à sec … pour en extraire la fameuse pierre philosophale !

    L’Histoire ne nous dit pas ce que les voisins de Brand pensaient d’une telle lubie…. Foin de ces considérations ubuesques, puisque Brand découvrit un solide cireux blanc qui brillait dans le noir, même dans une bouteille fermée, et qui brûlait spontanément avec une flamme blanche très brillante lorsqu’elle était exposée à l’air. Intrigué par ses propriétés, il le nomma phosphore car cela signifiait « porteur de lumière » en Grec. C’est alors que désespérant de changer le plomb en or, notre illuminé imagina l’un des grands (et faux) postulats de la chimie préscientifique : le phlogistique*.

     

    Retour à Johann Thomas Hensing

    Ce que notre bon Brand, dans son délire mystico-chimique, ne pouvait anticiper, c’était le succès que sa découverte obtiendrait quand son successeur, Thomas Hensig, professeur de médecine dans le centre de l’Allemagne, en démontrant que le phosphore** était présent dans le cerveau humain (comme nous l’avons écrit plus haut) permettrait de découvrir qu’il était le 2 ème minéral le plus abondant dans le corps humain et, au-delà, ouvrirait un nouveau chapitre aboutissant à la chimie moderne.

    S’il était présent dans le cerveau, il ne pouvait qu’être bon pour le corps, pensèrent aussitôt les fabricants toujours si soucieux de notre santé. Et de mettre sur le marché les premiers médicaments à base de phosphore élémentaire. Catastrophe : le phosphore blanc est, en fait, des plus toxiques : mortel à partir d’1 mg par kg de masse corporelle ! Voilà qui pouvait très avantageusement remplacer l’arsenic auprès de toutes les Marie Besnard de l’époque, n’est-il pas ? Quoiqu’il en ait été des intentions des uns et des autres, il y eut donc des cas d’empoisonnement au phosphore.

     

    Une emprise absolue sur la vie

    Nous savons maintenant que sans phosphore il ne peut y avoir de vie. Il en est un élément essentiel. Notre corps contient environ ½ kg de phosphore. Il intervient sous forme de phosphate dans la consistance des os et des dents. Sans phosphore, les unes et les autres, ne pourraient se maintenir en l’état. Il intervient aussi dans la composition des molécules d’ADN et dans celle de l’ARN. Conclusion : pas de phosphore – pas de vie !

     

    Où le trouve-t-on ?

    A l’échelle humaine c’est assez facile : dans les viandes, les fruits de mer, les lentilles, les haricots, les noix et les graines.

    Mais cet aspect positif à la Dr Jekyll cache un redoutable Mr Hyde puisqu’on se sert de lui non seulement pour empoissonner les rats (entre autres), mais aussi – the last but not the least – pour réaliser la guerre chimique sous forme de gaz sarin et de VX, tous deux composés du phosphore. Quand on sait que le sarin est 21 fois plus meurtrier que le cyanure de potassium, on se dit que le phosphore a encore de beaux succès commerciaux devant lui. Sur le plan philosophique le phosphore peut alimenter de belles réflexions sur la relativité ou l’ambivalence du bien et du mal.

    Mais, à l’échelle industrielle, en tant que constituant, avec l’azote, la base des engrais utilisés en agriculture, les choses se compliquent du tout au tout car, dans ce domaine, il ne connaît pas de substitut : rien ne peut le remplacer dans la constitution des plantes.

     

    Un vrai signal rouge pour l’ensemble de l’humanité

    C’est là que se justifie le titre pour le moins pessimiste de cet article.

    Les réserves de phosphate présentes dans la nature, – comme toutes les autres substances du même ordre – sont limitées. Si bien que le phosphore a même été déclaré « élément menacé » comme pour toutes les autres substances qui risquent de disparaître à l’avenir du fait d’une consommation déraisonnable.

    Il faut savoir que le phosphore indispensable à nos engrais, finit sa carrière dans nos rivières et nos océans où il disparaît sous forme de phosphate soluble avant l’humiliation suprême d’aboutir à l’état de « sédiments ».

     

    Le spectre de la pénurie d’ici 30 à 40 ans

    Le problème est simple : il n’existe aucun moyen – du moins sur le plan économique, clé de tous les autres moyens dans notre époque de grande cupidité – de récupérer ce phosphore.

     

    Quelle solution possible ?

    Un simple raisonnement de bon sens consisterait à répondre : il nous faut trouver le moyen de recycler le phosphore avant qu’il ne se dilue dans rivières et océans.

    – Soit.

    – Comment faire ?

    – Très simple : les êtres humains consomment annuellement plus de trois millions de tonnes de phosphore … et les excrètent dans leur urine et leurs excréments.

    – D’où l’idée des moins ragoutantes – mais sans doute indispensable et économiquement réalisable – de recycler le phosphore à partir de ces déchets humains.

    Nous avons déjà proposé de traiter les effluents médicamenteux dans nos stations d’épuration il serait donc judicieux de financer la recherche nécessaire pour récupérer le phosphore de nos stations …une véritable économie circulaire !

    *Théorie qui considérait le phlogistique comme une disposition propre au Feu des Quatre Éléments de la philosophie grecque, grâce à laquelle chaleur et lumière étaient produites pendant la combustion… jusqu’à ce que notre bon Lavoisier ne vînt éteindre une si lumineuse théorie.

    **Élément chimique de numéro atomique 15 – symbole P

     

    En savoir plus : Pallier la pénurie annoncée de phosphore 

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