SANTE : l’Appel aux Réservistes, ou, les « Mamies » au boulot !

    SANTE : l'Appel aux Réservistes, ou, les "Mamies" au boulot ! L’Etat a trouvé le moyen de pallier le déficit dramatique des personnels hospitaliers. Il  s’agit d’appeler des « infirmières retraitées », ou des « retraitées infirmières » volontaires, à la rescousse.

    Les rythmes de travail sont libres, aussi bien en jours qu’en heures, à la demande de l’un (l’établissement hospitalier, privé ou public) et à la bonne volonté de l’autre (la retraitée active). Ce qui représente une réelle « décompression » pour les employé(e)s qui travaillent à plein temps (et quelquefois au delà) et ne peuvent plus bénéficier de leur RTT.

    Le bénéfice se rencontre aussi du côté des conditions de travail du personnel de santé, épuisantes tant par la disponibilité qu’il demande que par le surcroit de travail imposé par la raréfaction des effectifs et qui amènent certain(e)s à la limite de la dépression ou de la maladie. Le comble ! Sans oublier qu’après la journée de travail il y a encore le travail de maison à assumer. A quoi il faut ajouter les « rappels en cas d’urgence »…

     Pour les « réservistes » la démarche actualise plusieurs motivations. Bien sûr on pense d’abord à l’amélioration du quotidien étant donnée la générosité des retraites qui leur sont servies. Mais le plus important ne semble pas être là. Ces personnes sont ravies de pouvoir continuer à vivre leur passion pour un métier, pour un service (et quel service !) où elles trouvent une « réalisation de soi » et une « reconnaissance » d’autant plus vives qu’elles sont accueillies par le personnel et les pensionnaires comme la cavalerie dans les vieux westerns. Ce qui n’était pas vraiment le cas quand elles étaient en service actif. Surtout quand on connaît la façon dont certains responsables médicaux et chirurgicaux, traitent le personnel infirmier.

     Des témoignages recueillis il apparaît que le rappel au service ne pose aucun problème. Les gestes professionnels reviennent d’eux-mêmes et d’autant plus facilement que l’expérience a été plus longue bien sûr. Passé le temps d’adaptation de quelques minutes pour « se mettre dans le bain » d’un nouveau service, l’efficacité pratique se met en place et la collaboration avec les aides-soignantes s’établit sans à-coups.

     De quoi se réjouir ? Oui, dans un premier temps.

     Mais cette situation confirme notre inquiétude relative à l’écueil majeur qui pourrait provoquer le naufrage définitif de la santé publique et qui constitue, avec l’absence de vision à long terme, la deuxième véritable tare de notre système de santé. C’est celui de la formation. Ou plutôt de  la non-formation.

    D’un côté, la formation initiale des professions de santé  n’évolue pas en fonction de la réalité du terrain.  De l’autre, la formation continue, depuis la mise en place – en dépit du bon sens – des trente cinq heures dans ces métiers, n’existe plus que de manière virtuelle.

             Bien sûr, tout le monde affirmera le contraire en produisant décrets et circulaires. Mais la réalité est tout autre. Réduire le temps de travail de dix pour cent dans un milieu qui fonctionne vingt quatre heures sur vingt quatre et trois cent soixante cinq jours par an, cela n’est pas possible sans provoquer quelques dégâts collatéraux. Et singulièrement dans le domaine de la formation continue, morte au champ d’honneur des trente cinq heures.

     « Si les 35 heures adoucissent notre vie privée, côté professionnel c’est toujours Ubu roi », nous affirmait récemment une infirmière à l’hôpital Beaujon de Clichy (Hauts-de-Seine) : « les temps de transmission entre équipes, qui permettaient de parler de nos patients, de rencontrer les médecins, ont disparu » Et si, en réanimation, où cette infirmière exerce, les normes strictes (une infirmière pour 2,5 malades) servent de garde-fous, à quelques couloirs de là, le nombre d’infirmières par lit a baissé.

    « Elles courent sans cesse d’un patient à l’autre ». Ce qui amène le constat suivant : « faute d’avoir eu l’occasion de réorganiser les services, partout le temps consacré aux malades a diminué, soit parce que certaines consultations ont dû fermer, notamment le samedi, soit parce que la pression au travail s’est accrue ».

    Il est facile de déduire que si les équipes n’ont même plus le temps de parler de leurs patients au moment de la transmission des consignes, le temps consacré à la formation doit être encore plus problématique.

    Il y a deux ans, une dépêche de APM International (en date du 10.11.2009) et intitulée : « Les contraintes de rythme de travail se sont accentuées entre 2003 et 2006 pour la moitié des hospitaliers » rendait compte d’une étude menée par la Direction de la Recherche, de l’Evaluation, des Etudes et des Statistiques (DRESS) auprès de 1400 salariés dans le secteur hospitalier (public/privé) à laquelle nous vous renvoyons et qui montre la profonde inadéquation de ce secteur quant aux rythmes, horaires et conditions de travail, à l’origine d’un très profond mal-être de l’ensemble de l’institution.

    Il est clair, à la lecture de cette étude, que les fameuses « 35 H » non seulement n’ont pas entraîné les « avancées » sociales promises mais, au contraire, ont alourdi la tâche des « hospitaliers » et assombri leur quotidien. Conséquence inévitable de mesures imposées par pure démagogie sans tenir compte de la réalité du terrain.

    Un indice évident du malaise est révélé par le taux d’absentéisme qui avoisine les 10 % dans les établissements hospitaliers. Certains même, comme le CHU d’une grande ville de l’Est que nous ne citerons pas, ont atteint un taux d’arrêt de maladie de 20 % en 2008 ! Le coût économique de ce signe manifeste de démotivation pèse autour de sept milliards d’euros par an dans le budget national ; à quoi il faut ajouter le coût du personnel intérimaire qu’il faut mettre en place pour pallier les absences du personnel titulaire.

      Le recours aux « Réservistes » peut-il inverser cette situation de désagrégation dramatique dans laquelle les responsables politiques laissent le Service de Santé (autrefois le 1er au monde)  ? Et peut-il notamment contribuer à remettre en place une authentique et efficace politique de formation (initiale et continue) ?

    Nous l’espérons, non sans constater que, dans l’Histoire, le dit recours aux Réservistes survient toujours au moment où la retraite et la capitulation sont devenues inéluctables.

    Vienne enfin le temps d’une authentique politique de santé à long terme dont notre pays accuse terriblement l’absence et qui permettra aux retraitées de jouir paisiblement de leur retraite en transmettant le témoin à de jeunes générations d’infirmier(e)s qui ne demanderaient qu’à exprimer leur générosité et leur efficacité, si le système technocratique leur en donnait les moyens.

    Olivier TOMA – Primum-Non-Nocere,

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