Vous avez dit Bio ? Regardez-y à deux fois !

    Vous avez dit Bio ? Regardez-y à deux fois !Car la Cour des comptes européenne vient de dénoncer l’inefficacité du système de contrôle des produits bio. Alors, essayez d’acheter lucide…

    Au-delà de l’indignation naturelle qui nous affecte devant une nouvelle arnaque, il nous faut cerner l’importance de l’enjeu : une agriculture bio en pleine expansion en France, et 37 millions d’hectares, soit 0,85% des surfaces arables, consacrées aux cultures et à l’élevage bio sur Terre, pour environ 1,5 million d’exploitants et 50 milliards d’euros de C.A par an.

     Chiffres fournis par l’institut de recherche sur l’agriculture biologique et la fédération internationale des mouvements en faveur de l’agriculture biologique.

     Les surfaces cultivées ou en conversion « bio » chez nous dépassent le million d’ha depuis l’an passé, d’après l’Agence bio [JDLE]. Elles font vivre 35.721 opérateurs pour un C.A de 3,9 Md€ en 2011. Soit une progression de 11% sur un an. Derrière l’Allemagne, championne d’Europe, avec plus de 6 Md€.

    Les travaux statistiques constatent que la superficie des terres « bio » s’accroit chaque année de 7,4% alors que le volume des marchés de produits « bio » s’accroit, lui, du double !

     Les mêmes études statistiques évaluent les marché « bio » à 20 Md€ par an, soit 1,5% du marché alimentaire européen.

    L’UE a cherché à bien encadrer ces marchés à travers  4 règlements et un système de contrôle à détente multiple et complexe (normal puisque technocratique) :

     Les responsables des contrôles sont nommés par les Etats membres. Ces autorités responsables désignent ensuite les organismes de contrôle, publics ou privés, qui constituent le système nerveux du dispositif.

    Leur mission consiste à inspecter les différents opérateurs. Et ce sont ces contrôles qui sont censés, d’abord et avant tout, satisfaire la confiance des consommateurs, des Etats membres et de la Commission.

     Quels sont-ils en théorie ?

    Ils doivent porter sur :

    • La conformité physique des lieux de production ou de transformation
    • La régularité des documents comptables
    • L’analyse d’échantillons des produits finaux mais aussi des produits récoltés, des feuilles ou de la terre, pour déceler la présence éventuelle de substances non autorisées.

    A l’issue de ces contrôles un certificat est délivré à l’opérateur, à charge pour lui de régler la facture.

     Comment sont-ils menés dans la pratique ?

    C’est là le point litigieux car la Cour des comptes européenne (CCE) relève dans le rapport spécial publié le 26 juin, des brèches dans le système de contrôle.

     La Commission aux abonnés absents

    Première mise en cause : la Commission européenne elle même qui n’a mené aucun contrôle depuis 2001 alors que la filière, s’avérant juteuse, ne pouvait que provoquer des dérapages.

     Des dispositifs à géométrie variable

    Ensuite, les Etats membres qui présentent quelques faiblesses coupables dans le respect des règles d’agrément et de supervision des organismes de contrôle. C’est ainsi que chez nous l’autorité compétente (sans rire) n’a pas jugé bon d’établir les procédures et les listes de vérification permettant de valider les plans de contrôle des organismes de contrôle, qui constituent le principal document communiqué par ces derniers. Faut l’faire ! Ils l’ont fait. En Irlande c’est encore mieux les organismes de contrôle chargés d’accorder l’agrément, ont considéré comme superfétatoire de préciser la nature des vérifications à réaliser. Imaginez un contrôle technique de votre véhicule où le mécanicien ne saurait pas ce qu’il a à contrôler et vous pourrez imaginer comment les produits pouvaient se retrouver qualifiés de « bio »…

     A la tête du client ?

    Mais des surprises nous sont encore réservées, même quand les autorités de contrôle font leur boulot car chacune a sa définition personnelle de ce qu’est une infraction et des conséquences qu’elle doit entrainer.

    Un exemple : le règlement (CE) n°889/2008 prescrit de respecter un délai de 48 heures entre le dernier traitement allopathique d’un animal et son abattage. Or l’enquête menée à montré qu’en cas de non-respect du règlement, un «déclassement» de la viande était décidé en Italie, alors qu’en France on avait droit à un simple «avertissement».

     Et la transparence dans tout cela ?

    La plupart des organismes de contrôle oublient de donner la moindre information sur les infractions constatées : leur nombre, les risques qu’elles entraînent, leurs causes, dans le rapport annuel qu’ils doivent adresser à Bruxelles. Si bien que «la Commission ne dispose pas des informations de base sur le fonctionnement du système de contrôle dans les états membres».

     Quant à la traçabilité des produits, elle est de l’ordre du vœu pieux. Songez que les enquêteurs ont peiné 6 mois pour retrouver 60% des producteurs de 85 produits ! Et  48% seulement disposaient des informations demandées : identification des opérateurs, certificat de conformité. Pourcentage qui tombe à 38% dans le cas de produits importés.

    Pour éviter un mouvement de suspicion généralisée chez les consommateurs, la Cour suggère de :

    • renforcer la supervision des Etats sur ses institutions de contrôle. C’est le bon sens même et cela ressortit de ce principe de subsidiarité, de plus en plus foulé aux pieds dans la série des derniers traités européens, parti pris technocratique qui condamne l’UE à devenir une machine de plus en plus étouffante, pléthorique (en nombre de fonctionnaires) sans être efficace pour autant.
    • d’augmenter le nombre d’inspections sur le terrain,
    • d’améliorer l’échange d’informations.
    • de développer le contrôle dans les pays tiers.

     La Commission approuve. Aux 27 de jouer maintenant si on ne veut pas que les espoirs qui avaient été mis dans le « bio » et qui n’est rien d’autre que le retour à des pratiques immémoriales parce que naturelles, ne partent en fumée.

    Pour notre part, nous pensons qu’une solution résiderait dans l’attribution d’un label rigoureux soumis à des contrôles augmentés et surtout inopinés…

    Olivier TOMA – Primum-Non-Nocere

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