Comme le nuage de Tchernobyl à nos frontières, les violences s’arrêtent à l’entrée de nos établissements de santé.

    Comme le nuage de Tchernobyl à nos frontières, les violences s'arrêtent à l'entrée de nos établissements de santé.Le ministère de l’Intérieur a édité un guide pratique de douze pages qui vient concrétiser le protocole national pour la sécurité des professionnels de santé paraphé en mai dernier. On lit avec surprise, sous la plume du ministre en introduction à ce Guide que « le taux de victimisation [est] somme toute assez faible« , et que les mesures préconisées dans le Guide pourraient être qualifiées de pure forme puisqu’elles ne sont « ni impératives, ni opposables, chaque professionnel restant juge de leur pertinence« .

    Le guide, dans sa grande sagesse définit six domaines précis : la sécurité au cabinet (ou à l’officine), au domicile, lors d’un déplacement et chez le patient, la conduite à tenir en cas d’agression, les suites judiciaires.

    Le préambule lénifiant du ministre de l’intérieur pourtant bien placé pour juger ce qu’il en est des actes de violence en général et de ceux perpétrés contre les professionnels de santé en particulier, a plongé – c’est le moins qu’on puisse dire – la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF) dans un abîme de perplexité .

     C’est pourquoi elle lui a adressé en date du 5 janvier une lettre dans laquelle elle déplore « l’absence de concertation » dans l’élaboration de ce guide et remet en cause les propos lénifiants du ministre concernant les violences faites aux personnels médicaux :  « Nous nous retrouvons dans une situation d’urgence » – écrit-elle – » car nous ne pouvons accepter du retard dans l’application des mesures contenues dans le protocole« , et elle affirme qu’elle n’hésitera pas à « appeler les médecins libéraux en danger à exercer leur droit de retrait« .

    Mais le pire, c’est que ce Guide plus destiné à noyer le poisson qu’à rassurer le médecins libéraux, oublie délibérément de s’intéresser à la situation dans nos établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés.

    Le lien suivant www.sante-sports-gouv.fr vous permettra de prendre connaissance du Rapport 2009 de l’Observatoire National des Violences Hospitalières. Il s’agit d’une grande Commission composée des représentants de la Justice, de la Police, des Services de l’Etat. La lecture de ce texte est tout à fait édifiante..

    Nous avons eu personnellement, lorsque nous étions directeur d’établissement, l’occasion d’être auditionné par cette Commission auprès de laquelle nous avions fait état de notre très grande inquiétude liée à la recrudescence des agressions dans les établissements.

    Nous fûmes ravis d’apprendre alors qu’il y avait dans certains hôpitaux, des vigiles, des policiers ou des gendarmes spécifiquement détachés pour répondre aux problématiques hospitalières. Et nous de demander benoîtement : « Comment se fait-il que le secteur privé ne puisse pas bénéficier de rondes, ne serait-ce que de visites la nuit, parce que nous sommes, nous aussi, astreints à fonctionner 24/24 H et 365 jours par an et nous aussi avons besoin de surveillance et de présence policière ».

    Notre surprise fut grande de nous entendre alors répondre « qu’il n’y avait pas de problèmes dans le secteur privé ! ». Comme « le nuage de Tchernobyl a respecté les frontières françaises », comme « la République n’a pas besoin de savants », comme Laplace n’avait « pas besoin de l’hypothèse de Dieu », le flot d’insécurité qui submerge notre pays évite soigneusement les établissements privés, ceux-ci n’ont donc pas besoin de protecteurs assermentés et cette hypothèse n’est pas utile aux travaux de la Commission.

    L’explication de telles inepties est simple : les agressions dans le privé n’avaient pas été recensées par la digne Commission..…donc elles n’existaient pas. Pourquoi ?  A cause d’un système très lourd, très administratif qui veut qu’à chaque fois qu’il y a un vol, une agression verbale, physique ou autre, les établissements hospitaliers doivent le mentionner par écrit à leur ARH ou à leur préfet, faute de quoi l’Etat considère qu’il n’y a pas de problème. Ce que ne peuvent pas faire les établissements de santé privés, au vu de la lourdeur administrative de la démarche, fort propice à minorer artificiellement les statistiques dans ce domaine.

    Et nous ne sommes pas les seuls dans ce triste cas.

    Une étude réalisée pour la  revue Prehospital Emergency Care aux USA, nous apprend que « Les professionnels surtout en services d’urgence subissent la violence en milieu hospitalier. La raison est qu’ils accomplissent leurs missions dans des environnements imprévisibles et entourés de personnes en situation de crise« , …… « Les rapports de sécurité au travail ont mis en évidence des cas de violence verbale, physique et sexuelle, mais jusqu’à maintenant, il y avait eu peu de recherches scientifiques. D’autres recherches sont nécessaires pour comprendre l’impact de cette violence au travail. »

    Le détail de ce travail qui  a été effectué au  S. Michael Hospital en 2011 est très révélateur.

     1.381 paramédicaux ont été interrogés, dont 70% d’hommes d’ un âge moyen de 34 ans possédant 10 ans d’expérience en service médical d’urgence. Et il est apparu que :

             « La violence verbale a été rapporté par 67,4% des paramédicaux interrogés, 62,9% de la part de patients, 36,4% de la part de la famille du patient ou des amis, 20,8% de la part de collègues et 5,8% de la part de visiteurs.

             « L’intimidation a été rapportée par 41,5% des paramédicaux interrogés, 37,8% de la part des patients, 27% de la part des familles, 45,3% de la part des collègues et 3,4% de la part des visiteurs.

             » La violence physique a été rapportée par 26,1% des paramédicaux interrogés, 92,3% en provenance des patients, 11,1% de la famille du patient ou des amis, 3,8% des collègues et 2,3% des visiteurs.

             « Le harcèlement sexuel a été rapporté par 13,6% des paramédicaux interrogés, perpétré par les patients (64,7%), la famille du patient ou des amis (18,4%), des collègues (41,2%), et des visiteurs (8,8%).

             « Des agressions sexuelles ont été rapportées par 2,7% des paramédicaux interrogés, perpétrées par les patients (88,9%), la famille du patient ou des amis (7,4%), des collègues (14,8%), et des visiteurs (2.7%) »

    Mais, sans aller aux USA, nous tenons à la disposition des lecteurs qui nous les demanderont un certain nombre d’articles parus dans la presse nationale et régionale qui rendent compte des violence auxquelles sont confrontés les personnels hospitaliers sans que rien ne soit vraiment fait pour les protéger.

    De quoi faire baisser de quelques degrés le bel optimisme de notre ministre de l’intérieur pendant cette pré-campagne électorale.

    Olivier TOMA, Primum-Non-Nocere

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