Exotisme et sécurité sont-ils compatibles en matière de médicaments ???

    © Copyright 2012 CorbisCorporationSaviez-vous que 60 à 80 % des substances qui composent nos médicaments sont produits essentiellement en Chine et en Inde ?  Aussi bien les génériques que les originaux. Outre le manque à gagner pour nos producteurs, on peut s’interroger sur les niveaux de qualité et de sécurité réellement respectés, car les contrôles, en Inde surtout, s’avèrent très difficiles. Les laboratoires pharmaceutiques français, qui distribuent ces médicaments en fin de chaîne, pratiquent des contrôles rigoureux mais la mise en place de dispositifs de contrôles par l’État et l’Europe leur paraît indispensable car le mouvement de « délocalisation » des matières premières tend à  s’accélérer et atteint déjà la proportion de 80 % pour les princeps comme avec les génériques.

    Mise en cause de cette situation : la pression économique, sociale et budgétaire qui s’est installée depuis la fin des années 1980 qui a conduit à des appels d’offres fixés des prix inférieurs au coût de revient !  D’où l’obligation de délocaliser pour nos laboratoires….et  l’entrée sur le marché des entreprises chinoises, toujours à l’affût de bonnes affaires et « dopées » par des subventions publiques.

    Ce qui amène, dès 2007, l’APCE à alerter sur la baisse de qualité des médicaments en Europe  allant même jusqu’à évoquer « des centaines de milliers de morts chaque année ». Responsables ?  « des médicaments proprement dits, […] les génériques ainsi que […] les dispositifs médicaux, les cosmétiques ou les produits vétérinaires », Et l’APCE (Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe) de dénoncer « une menace sérieuse pour la santé physique des individus (qui) peut entraîner des échecs thérapeutiques, une exacerbation de la maladie et, parfois, provoquer la mort ». Et de demander la création d’« un instrument juridique international » et d’un « système de traçabilité du médicament. »

    Puis, en 2011 c’est au tour de l’Académie nationale de pharmacie d’alerter l’opinion.  A la suite d’un colloque intitulé « Matières premières, mondialisation et santé publique », elle dénonce le fait que « la sécurité de la fourniture de principes actifs peut ne plus être assurée », [….] parce qu’elle « ne prend pas en compte les risques géopolitiques, ni les risques naturels, la qualité des produits [pouvant] être potentiellement affectés avec une dispersion planétaire et une dissémination des chaînes de production et de fabrication » (20 avril 2011).

    Qu’en est-il des contrôles ?

    Et pourtant en France et en Europe  les matières premières sont contrôlées trois fois :  par le fabricant avant la fabrication, par l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) et par les autorités européennes.

    Mais il y a de quoi s’interroger quand on découvre que la DEQM qui est chargée par la Direction européenne de veiller à la qualité des médicaments en inspectant les sites hors UE a évalué à 18% en 2007 le nombre des sites non-conformes. Pour 2012 il se monterait (d’après Le Quotidien) à 41%. A signaler que l’inspection ne peut porter que sur les sites volontaires et qu’on estime entre 4 et 5 000 le nombre de sites de production pharmaceutiques chinois.

    Cerise sur le gâteau (empoisonné) : en cas d’anomalie constatée le Certification de Conformité n’est retiré que s’il existe une production alternative connue !  Et la DEQM d’expliquer  qu’ » ne peut pas fermer le robinet pour certaines molécules, il faut apprécier le bénéfice-risque de la mesure, selon des anomalies qui peuvent être mineures ». Chacun appréciera

    Autre source d’inquiétude : « La compétence scientifique des inspecteurs est insuffisante….ils ne sont pas formés pour analyser les contaminations croisées, ni évaluer toutes les voies des processus de synthèse. Leurs conclusions ne sont pas fiables. »

    C’est le diagnostic du Pr Jean-Paul Fournier – un des premiers à alerter l’opinion –  professeur de chimie thérapeutique à Paris V.

    La position de l’ANSM.

    Elle a organisé le contrôle de 88 laboratoires en moyenne annuelle, entre 2007 et 2011. Un quart de ces contrôles furent effectués dans des pays hors UE, pour un résultat de non-conformité établi à 4,9 %, alors qu’il est de 3,7 % dans l’UE.

    De toute façon, le directeur de l’inspection affirme que «  la qualité du médicament engage la seule responsabilité du fabricant, qui doit procéder au contrôle physico-chimique et/ou bactériologique du principe actif qu’il formule.  » Ponce Pilate  n’est pas loin et on se demande à quoi pourrait bien servir une autorité irresponsable dans le domaine même qu’elle est censée contrôler ?

    Les limites du contrôle

    Premier bémol : Il nous vient de l’IGAS qui nous fait observer que « Les contrôles des produits lancés avant fabrication ont leur limite, tout simplement parce que ne sont découvertes que les substances recherchées, toutes les anomalies n’y sont pas décelables ».

    Second bémol : il nous vient d’une ancienne responsable du département certification des substances de la DEQM, qui nous révèle que : « la mission des audits est régulièrement entravée dans les entreprises chinoises visitées, selon l’importance du marché économique que les clients pharmaceutiques représentent pour les firmes à auditer. Cela peut aller de la remise d’un dossier en langue chinoise qui nécessite le recours à des traducteurs, jusqu’au refus de transmission de certaines pièces, voire jusqu’au refus d’audit. Car rien ne permet aujourd’hui de contraindre légalement le fabricant à respecter la procédure d’audit. »

    Nous voilà pleinement rassurés !

    Il est temps que le monde de la santé en général – hôpitaux, cliniques – associations de médecins – monde pharmaceutique même – et celui des citoyens –  c’est à dire nous, les « patients » potentiels –  fassions pression sur et obtenions des fabricants pharmaceutiques, la garantie de traçabilité absolue de toutes les molécules utilisées lors de l’AMM. Ce qui passe, entre autres choses, par la possibilité illimitée de contrôles inopinés permanents dans les usines asiatiques.

    Faute de quoi, nous pourrions retourner aux tisanes de nos grand-mères et avoir recours à ces médecines douces que l’Académie de Médecine dédaigne si fort mais qui n’ont jamais tué leurs utilisateurs, elles. Le manque à gagner risque alors de se révéler bien plus important que la dépense en faveur de substances saines et parfaitement contrôlées produites en Europe.

    Olivier TOMA – PRIMUM-NON-NOCERE

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