Gastronomie et Hôpital : un mariage (im)possible ?

    Gastronomie et Hôpital : un mariage (im)possible ?

    Un restaurant dans l’hôpital.

    Le mariage improbable gastronomie-hôpital serait-il en passe d’être conclu ?

    C’est ce qu’on pourrait penser en lisant dans la presse que l’hôpital Edouard-Herriot de Lyon accueille une brasserie dont il a confié la responsabilité à Thierry Marx qui pratique la gastronomie moléculaire (!). Cette brasserie –  » La Villa par Thierry Marx » – constitue un des éléments entrant dans le cadre de la rénovation des espaces restauration et boutiques lancée par le groupe Lagardère sur une vingtaine de sites des Hôpitaux Civils de Lyon.

    Ce qui veut dire que cette « gastronomie » s’adresse d’abord et uniquement aux visiteurs et non aux patients qui n’y auront pas accès…..sauf à titre de client éventuel Deux niveaux, 160 m2 dans d’anciens locaux administratifs (classés !) à l’entrée de l’hôpital, un jeune chef, une jeune équipe, une cuisine simple avec des produits du marché, en circuit court, environ 80 couverts par jour pour 25 € en moyenne. Voilà ce qui devrait assurer le succès de cette création d’après Thierry Marx.

    Mais il est clair qu’en fait, quand on parle de « gastronomie à l’hôpital » on imagine tout autre chose. C’est un peu comme les marchands du Temple. Certes ils officiaient dans le Temple, mais qu’est-ce-que leurs pratiques avaient à voir avec sa fonction véritable ?

     

    La « Semaine du goût » régale les pensionnaires et agents des maisons de retraite.

    Gastronomie et Hôpital : un mariage (im)possible ?Une initiative qui nous paraît mieux convenir au mariage gastronomie/hôpital est celle qui en 2013, permit de servir quatre cents repas élaborés dans le cadre de la Semaine du goût par le chef du Manoir de la Pommeraie en Normandie, aux pensionnaires des maisons de retraite et des agents hospitaliers.

    Cela répondait à la préoccupation du médecin gériatre du centre hospitalier de Granville pour qui « la prévention de la dénutrition et la qualité de la nutrition [constituaient la] réoccupation majeure ». Le partenariat avec Julien Guérard, le chef de La Pommeraie, devant d’ailleurs se renforcer et se compléter avec celui du lycée hôtelier de Granville.

    Le menu qui fut alors servi aux 400 convives était constitué d’un velouté de potimarron et d’un pot-au-feu revisité (le porc remplaçant le bœuf) tous les légumes utilisés étant cultivés par les résidants.

    Et le médecin gériatre de commenter : « Il faut retrouver le goût de manger. Le repas est un soin à part entière. La nutrition permet de mieux supporter un traitement. Et il est estimé que 30 à 40 % des personnes âgées souffrent de dénutrition. La dénutrition sévère atteint 15 % des personnes âgées. Dans les cancers, la dénutrition est un facteur de risque important dans 25 % des cas. Une bonne prise en charge nutritionnelle renforce les défenses immunitaires« .

    Très beau manifeste, maintenant il faut passer à l’acte……

     

    « Les 1001 pétales »

    Gastronomie et Hôpital : un mariage (im)possible ?Autre initiative. C’est celle de  l’ »Association 1001 pétales » qui, en janvier 2015 réalisa, grâce au soutien du responsable du pôle cancérologie du CHRU de Tours et à celle de l’équipe soignante et éducative du service oncologie pédiatrique, des ateliers de cuisine alliant gastronomie & diététique, plaisir & santé.

    Là encore les Grands Chefs de la Touraine Gourmande et de la région, acceptèrent de prêter leur concours à l’Association.

    Et c’est ainsi que tous les deux mois, les parents et enfants travaillent auprès de ces grands chefs et de l’équipe diététique pour concocter des menus attractifs.

    On espère que l’effort diététique ne se limite pas à un bon repas tous les deux mois.

     

    « Le 13 », un restaurant au cœur de La Timone.

    L’idée à la base du Le 13 Restaurant était simple :  » faire venir le public pour se restaurer, en effaçant les appréhensions que cela pouvait susciter » et favoriser l’ouverture du CHU vers la ville.

    Le cadre est harmonieux et discret, la vue sur la Bonne Mère est  très  belle, la carte qui fait une large place aux produits de saison et la carte des vins sont pleines de ressources, le chef et le maître d’hôtel sont issus des grandes écoles hôtelières : 70 couverts le midi en semaine; sur réservation le soir.

    Mais ce restaurant est avant tout destiné à satisfaire une clientèle de visiteurs extérieurs, des familles voulant gâter un de leurs proches en traitement au CHU ou, pour une large part, les cadres soignants ou administratifs de l’hôpital. Et ce n’est pas tout : « La gastronomie a sa place dans un hôpital, tout comme la culture » affirme le directeur général des hôpitaux de Marseille (AP-HM) qui veut accueillir sans ses locaux des expositions de peinture et des concerts de musique douce.

    Noble préoccupation, mais quel impact sur ce qui est servi aux patients au quotidien ?

     

    Dernier exemple : Auch

    Le centre hospitalier d’Auch a organisé la 3e journée nationale de l’alimentation. L’idée était de convaincre les malades, les résidents et le personnel qu’équilibre alimentaire et plaisir de manger, constituaient un facteur primordial de santé !

    On a connu des causes plus difficiles à défendre.

    Gastronomie et Hôpital : un mariage (im)possible ?Mais Auch a fait plus et mieux. L’hôpital a décidé d’envoyer aux oubliettes les repas insipides, mal ou trop cuits, refroidis dans les couloirs, fort peu appétissants sous leur pellicule plastique et, cerise sur le gâteau,  servis une demi-heure après le goûter !

    Les responsables diététiciens ont donc mis en place des ateliers – sur le sel, le gras, le calcium, etc. – pour approfondir le travail sur l’aliment.  L’hôpital participait pour la première fois à la journée de l’alimentation et l’équipe composant le  Comité de liaison alimentation nutrition, regroupant toutes les spécialités ayant quelque chose à voir avec l’alimentation des patients,  a mis à profit l’événement pour faire le point sur la question essentielle de la nourriture hospitalière.

    L’hôpital sert 1750 repas par jours, du lundi au vendredi. La gageure consiste donc à confectionner 1750 bons repas véritables en peu de temps.  Pour ce faire le chef hospitalier dispose d’une équipe de 44 employés et d’une solide organisation.  Son manifeste : « Je suis Gersois, et je viens de la restauration gastronomique. Mon objectif, c’est valoriser la recette retenue de concert avec le service diététique, tirer le meilleur de l’assiette
    Beau programme qui deviendra, espérons-nous, celui de tous nos établissements hospitaliers dans un avenir proche.

    Il est clair que désormais l’alimentation doit s’intégrer au panel de soins prodigués à l’hôpital et  surtout dans les EHPAD, où les cas de dénutrition sont nombreux, les aînés ayant perdu le goût ou le besoin de s’alimenter suffisamment. C’est pourquoi à Auch on a  » inventé des desserts ou des potages qui sont enrichis, et deux fois plus nourrissants, avec des menus plus variés qu’à la maison ».

    Pour le reste, la cuisine de l’hôpital a adopté un seul credo : la satisfaction du patient.

    Inutile de préciser que, pour notre part, la seule initiative qui nous paraisse vraiment pleine de promesses est celle de l’hôpital d’Auch qui se préoccupe, avant toute chose, de satisfaire l’appétit, les besoins nutritifs et le plaisir gustatif des patients ou des pensionnaires âgés.

    Gastronomie et Hôpital : un mariage (im)possible ?Les exemples de Granville et de Tours sont trop ponctuels pour constituer une réelle politique du « bien-manger » à l’hôpital dont on nous dit pourtant qu’elle constitue un facteur non négligeable favorable à la santé des malades.

    Les initiatives de Lyon et Marseille sont sans doute séduisantes en termes de marketing mais restent totalement étrangères aux véritables besoins de l’hôpital qui a la charge de nourrir décemment et agréablement, tous les jours, des dizaines de milliers de patients qui ne peuvent se payer le « resto » gastronomique. Même s’il est installé dans le pavillon d’à-côté.

    Auch nous donne au contraire la preuve qu’une politique d’alimentation raisonnable et soucieuse du  bien-être des patients est tout à fait possible dans le cadre même de l’institution. Et c’est un très bon signe. D’autant que nous constatons la mise en place progressive de cette démarche dans de nombreux autres établissements en France.

     

    Olivier TOMA – PRIMUM-NON-NOCERE

     

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