L’air intérieur dans les ERP sera enfin surveillé. Mais sera-t-il amélioré ?

    L'air intérieur dans les ERP sera enfin surveillé. Mais sera-t-il amélioré ?Bonne nouvelle ! Les deux décrets soumis à la consultation du public en mai 2011 et qui font devoir aux Etablissements recevant du public (ERP) de surveiller la qualité de l’air intérieur, sont enfin publiés au JO.

     La définition.

    Le premier décret définit la notion de « valeur-guide » à travers un niveau de concentration de polluants dans l’air intérieur. Il est défini pour un espace clos donné et de façon à éviter, prévenir ou réduire les effets nocifs sur la santé. Ce niveau doit être atteint dans un délai raisonnable. Déjà la loi sur la responsabilité environnementale du 1er Août 2008 définissait des « valeurs-guides pour l’air intérieur » dans les ERP. Le présent décret vise particulièrement le formaldéhyde et le benzène.

    Rappelons que le formaldéhyde est un gaz incolore principalement utilisé pour la fabrication de colles, de liants ou de résines. Sa valeur-guide est désormais fixée pour une exposition de longue à  30 ug.m-3 pour une exposition longue durée à partir du 1er janvier 2015. Et à  10 ug/m3 à partir  1er janvier 2023.

    Quant au benzène, substance cancérigène aux effets hématologiques, c’est une substance issue des phénomènes de combustion  des gaz d’échappement, de cheminée, de cigarettes et autres calamités. Sa valeur-guide est fixée à  5 ug/m3 au 1er janvier 2013 pour une exposition de longue durée et à 2 ug/m3 au 1er janvier 2016.

     La surveillance.

    Le deuxième décret organise la surveillance périodique de la qualité de l’air intérieur dans les ERP accueillant des populations sensibles ou exposées sur de longues périodes.

    Obligation de surveillance qui devra être satisfaite

    • avant le 1er janvier 2015 pour les établissements d’accueil collectif d’enfants de moins de six ans et les écoles maternelles,
    • avant le 1er janvier 2018 pour les écoles élémentaires,
    • avant le 1er janvier 2020 pour les accueils de loisirs et les établissements d’enseignement du second degré
    • avant le 1er janvier 2023 pour les autres établissements, structures sociales et médico-sociales rattachées aux établissements de santé, établissements d’accueil de personnes handicapées, établissements pénitentiaires pour mineurs et piscines.

     Cette surveillance induit une évaluation des moyens d’aération des bâtiments et une campagne de mesure des polluants. Le texte prévoit aussi que la surveillance sera réalisée tous les sept ans par le propriétaire ou l’exploitant de l’établissement qui devra faire appel à des organismes accrédités. Il devra, de plus, informer les personnes fréquentant son établissement  des résultats obtenus au terme de ces contrôles.

    Si les valeurs de référence sont dépassées, ce même propriétaire  ou exploitant sera tenu de faire réaliser une expertise afin d’identifier les sources de pollution et y remédier. A défaut du propriétaire, c’est le préfet qui pourra imposer cette expertise…aux frais du propriétaire ou de l’exploitant, bien entendu.

    Ce décret sera complété par des dispositions qui seront précisées par arrêté interministériel. La coercition

    Le défaut de surveillance périodique obligatoire; le défaut d’expertise en découlant éventuellement; la non remise du rapport d’évaluation et la non réalisation de l’expertise dans les délais requis, peuvent entraîner une amende allant jusqu’à 1.500 euros. Idem si le propriétaire (ou l’exploitant) décidait de réaliser ou de faire réaliser une évaluation, un prélèvement ou une analyse sans que l’intervenant disposât de l’accréditation requise.

     Les réactions

    Lee président du RES, André Cicolella se félicite de cette « nouvelle vision » des autorités sanitaires mais regrette qu’on se soit limité à « deux substances ». Il espère que les pouvoirs publics sauront se montrer plus « proactifs » dans ce domaine.

    Pour José Cambou, pilote du réseau santé-environnement de FNE (France nature environnement), les valeurs-guides relatives aux deux polluants sont « supérieures à celles recommandées par l’Anses » et il le déplore.

    Il semble que les nouvelles normes aient été fixées non pas en fonction des concentrations idéales à ne pas dépasser, mais en fonction de ce « qu’il était possible de faire« .

    Bref une sorte de pis-aller regrettable.

     Ce qui conduit d’autres personnalités associatives à se féliciter, elles, de ce que ces « valeurs aient le mérite d’exister« . Tout le monde sait que faute de grives il faut savoir se contenter de merles, semblent-elles penser.

    Notons enfin que le délai de sept ans prévu par le décret semble beaucoup trop long à plusieurs responsables d’associations et on s’étonne que la loi, qui se montre justement coercitive en ce qui concerne les formalités de surveillance et contrôle…ne prévoie rien du côté des mesures correctives qui ne paraissent nullement obligatoires.

    Les propriétaires et exploitants auront le devoir de faire surveiller leur air intérieur, mais ils ne seront pas tenus de corriger les dérives qui seront éventuellement apparues.

    Encore un coup d’épée dans l’eau ???

     Pour notre part, nous considérons qu’un délai de 7 ans entre deux mesures est irréaliste étant donné le nombre de travaux avec introduction de substances diverses qu’un lieu d’accueil public peut subir en 7 ans. Le délai entre deux mesures en secteur hospitalier ne devrait pas dépasser 6 mois si nous voulons vraiment garantir une excellente qualité de l’air intérieur aux patients et surtout au personnel qui est obligé de le respirer pendant de nombreuses années.

    D’autant qu’à Primum-Non-Nocere nous avons l’expérience des établissements qui ayant réalisé un diagnostic RCOV ® et mis en place un plan d’action adapté, ont vu la qualité de leur air intérieur s’assainir considérablement par l’amélioration de leur taux de COV global.

    D’autre part la mise en place de ces mesures obligatoires à l’horizon de 2023 est encore plus irréaliste et s’avérera regrettable au vu des enjeux majeurs de santé publique qui sont engagés dans cette opération. Nous considérons qu’il faut mettre en place ces nouvelles dispositions dès 2015 pour les hôpitaux comme pour les crèches.

    Olivier TOMA – Primum-Non-Nocere

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