La législation sur les Nanomatériaux en évolution ? Plutôt décevante

    législation nanoparticules

    Nous avons attiré l’attention de nos lecteurs à plusieurs reprises sur les dangers potentiels que font courir nanoparticules ou nanomatériaux à la santé humaine.

    Il semblerait que nos inquiétudes et celles de nombreux autres acteurs de la santé publique ait été prise en compte puisque le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire vient de publier un texte sur le sujet.

    Quelques éléments de ce texte ont particulièrement  retenu notre attention.

    Ainsi quand nous lisons cette phrase « Cependant, le caractère récent de leur développement conduit à une méconnaissance des risques éventuels de ces substances pour l’Homme et pour l’environnement. Ainsi, il a été reconnu qu’une substance à l’état nanoparticulaire pouvait présenter un profil de danger différent de celui qu’on observe pour la même substance dans sa forme non nanoparticulaire, comme, dans certains cas, la capacité à traverser des barrières biologiques, à persister dans l’environnement ou à s’accumuler dans les organismes. Pour autant, les connaissances sur ces substances demeurent lacunaires et les conclusions des études de toxicité pour l’homme et l’environnement sont difficilement exploitables à ce stade, des progrès étant encore nécessaires dans le domaine de la métrologie et dans la définition de lignes directrices communes pour la caractérisation et l’évaluation de ces substances. »

    Nous sommes heureux de cette prise de conscience du ministère de transition écologique et solidaire. Il était temps pour que ces substances en « capacité de traverser des barrières biologiques, à persister dans l’environnement ou à s’accumuler dans les organismes » ne cessent de  massivement investir nos produits de consommation courante ?

    Avec beaucoup d’à-propos le texte ministériel remarque que « la perception globale de l’opinion publique est donc celle d’un domaine encore en exploration et mal connu, prometteur mais potentiellement porteur de risques. Ces incertitudes conduisent à des interrogations sur le niveau de maîtrise de ces risques et de l’encadrement réglementaire approprié. Il apparaît donc nécessaire d’accroître la quantité d’informations à la disposition du public et de données pour l’évaluation et la gestion des risques »

    informer-nanoparticulesInformer le public ? Parfait. Mais en l’occurrence, se contenter de l’informer consiste à dire à un enfant « Attention ! les allumettes peuvent te brûler si tu joues avec « …et à lui laisser la boîte entre les mains. Car comment ce « public informé » en capacité « d’évaluation  des risques » pourra-t-il éviter d’absorber ces nanoparticules qui sont massivement utilisées dans l’alimentation industrielle, dans les cosmétiques, dans les produits d’entretien, etc….?

     

    Comme toujours en France, quand on décide de ne pas agir pour ne pas nuire à certains intérêts, on a traité le danger par de la gesticulation administrative.

     

    Le dispositif national de déclaration des substances à l’état nanoparticulaire

    Le texte ministériel nous explique : « Afin de mieux connaître la réalité de la production et de l’utilisation de ces substances, la France a mis en place un dispositif de déclaration des substances à l’état nanoparticulaire. Il s’agit d’une initiative issue du Grenelle de l’environnement (engagement n° 159), traduit à l’article 42 de la Loi Grenelle I du 3 août 2009, puis à l’article 185 de la Loi Grenelle II du 12 juillet 2010 (créant notamment les articles L. 523-1 à 5 dans le code de l’environnement).

    L’article 185 de la Loi Grenelle II est venu préciser les champs de la déclaration : identité, quantité et usage des substances, ainsi que l’identité des utilisateurs professionnels à qui elles ont été cédées, dans un objectif de traçabilité.

    barrières biologiquesCet article prévoit également la possibilité de demander la transmission des informations disponibles relatives aux dangers de ces substances. Les modalités d’application de ces dispositions ont été définies par le décret en Conseil d’Etat du 17 février 2012, puis les informations à déclarer ont été précisées par l’arrêté du 6 août 2012 .

    Les déclarations doivent être réalisées chaque année, sur les données de l’année précédente, et par voie électronique par le biais du système d’information développé à cet effet »

     

    Pour nous, ce texte a directement été inspiré par les mânes de Courteline ! En quoi ces déclarations et ces textes ont-ils protégé la population des effets potentiellement nocifs des nanomatériaux ? Mieux : en quoi « les données de l’année précédente » – donc des nanomatériaux déjà consommés et lâchés dans la nature – ont-ils quelque intérêt alors qu’il faudrait se préoccuper d’abord et avant tout des consommations à venir pour être en mesure d’en protéger les gens autant que faire se peut ?

    Il est donc grand temps de légiférer et d’interdire les nanoparticules des biens de consommations courantes pour les réserver aux seules applications médicales et les encadrer strictement.

     

    L’outil magique : le site r-nano

    Le texte précise que l’Anses est en charge de la gestion de la base de données, qui rassemble les informations ainsi déclarées. Ce dispositif étant entré en vigueur au 1er janvier 2015 :  » une liste de questions et réponses a été élaborée afin de faciliter la bonne compréhension du dispositif. [Il] a pour objectif de répondre au besoin d’améliorer l’information du public, des consommateurs et des professionnels. Il a pour objectif de mieux connaître les substances mises sur le marché, leurs volumes et leurs usages, de disposer d’une traçabilité des filières d’utilisation et de collecter les informations disponibles sur les propriétés toxicologiques et écotoxicologiques de ces substances « .

    NanomatériauxParfait. On donne tous les moyens au public de connaître l’étendue et les modalités de l’épidémie mais on ne fait rien pour la circonscrire.

     

    A l’échelle européenne (le texte est très explicite à ce sujet et nous vous invitons à vous y reporter) on constate à peu près la même attitude d’observation et de contrôles a postériori mais peu de dispositions réelles de protection des consommateurs

     

    A ce stade le texte ministériel se pose deux questions:

    • Quels sont les bénéfices attendus de la déclaration ?
    • Quelles sont les meilleures techniques à envisager pour utiliser les nanoparticules

    Il  répond aux deux questions.

    • Il explique en substance, s’agissant de la première question que « les données détaillées contenues dans les déclarations pourront être mises à disposition des organismes scientifiques désignés par décret (décret n°2012-233) à des fins d’évaluation des risques, par exemple dans le cadre d’études épidémiologiques ou de surveillance environnementale « . Ce sera en gros le travail de l’InVS, de l’INERIS et de l’ANSES chacun suivant ses spécificités. On lit alors que « les données collectées [s’ajoutant aux] informations déjà présentes dans la base de données, [complèteront] les informations disponibles, relatives aux dangers de ces substances et aux expositions auxquelles elles sont susceptibles de conduire, ou utiles à l’évaluation des risques sur la santé et l’environnement. [Elles pourront] être demandées aux déclarants et mises à disposition du public. L’ensemble de ces informations facilitera les travaux des entreprises et des organismes compétents aux fins de la prévention des risques, notamment pour les travailleurs.
      Par ailleurs, au-delà des évaluations de substances déjà engagées, l’inventaire peut aider les autorités publiques à cibler d’autres substances qui doivent faire l’objet d’une évaluation des risques en se concentrant sur les expositions les plus préoccupantes (populations importantes et/ou sensibles)
      « 

     

    nanoparticules alimentationVoyez vous de quelconques dispositions pratiques et coercitives pour encadrer, voire interdire si cela s’avère nécessaire, l’utilisation massive des nanomatériaux suite à ces « informations » et « évaluations » ? Non. Tout est laissé à l’initiative des fabricants, si on comprend bien le texte.

     

    • Quant à la deuxième question, celle relative aux meilleures techniques à envisager pour utiliser les nanoparticules le Ministère de la Transition écologique et solidaire nous apprend qu’il « a élaboré un guide présentant les meilleures techniques à envisager pour la mise en œuvre des substances à l’état nanoparticulaire« .

    transition écologiqueEt de nous expliquer que « ce référentiel, élaboré par des inspecteurs de l’environnement avec l’appui de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS), s’adresse principalement aux inspecteurs et aux exploitants des Installations Classées pour la Protection de l’environnement (ICPE) qui fabriquent ou utilisent des substances à l’état nanoparticulaire. Il décrit les techniques qui peuvent être mises en œuvre dans ces installations et sert de support aux échanges entre les inspecteurs et les exploitants sur la thématique des nanomatériaux  »

     

    Là encore c’est beau comme de l’antique, mais on se demande pourquoi l’Etat, par ailleurs si prodigue en contraintes de toutes sortes (ex : limitations de vitesse, port obligatoire de la ceinture, port du casque pour les motards, sièges auto pour enfants, barrières de protection autour des piscines, etc, etc) sous prétexte de « sécurité » se contente ici « d’informer » et de « conseiller » alors qu’un énorme problème potentiel de santé publique est en jeu ?

    Les scandales liés à l’utilisation massive des phtalates et du bisphénol A, ces perturbateurs endocriniens à l’origine de graves troubles du développement chez l’enfant, n’ont donc rien appris à nos ministres ?

    Plus clairement encore, ne devraient-ils pas, dans cette situation de doute et de danger potentiel, limiter l’usage des nano aux utilisations dont on est assuré qu’elles n’auront aucun impact négatif sur la santé, et les interdire dans les compléments alimentaires…?

    Un peu de bon sens et de courage face aux lobbies industriels ne ferait pas de mal aux citoyens.

     

    Olivier TOMA – PRIMUM-NON-NOCERE

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