Les médecins libéraux bientôt « rémunérés à la performance » !

    Les médecins libéraux bientôt "rémunérés à la performance" !Révolution dans nos mœurs ? La CNAM et les syndicats de médecins sont d’accord pour prévoir une rémunération des médecins sur leurs performances et non plus seulement sur l’acte. Cela est-il destiné à améliorer les comportements d’un certain nombre de stakanovistes de la feuille maladie ?

    Est-ce enfin une approche vers cette politique de santé dont le financement serait basé sur la connaissance des coûts de réalisation que nous réclamons à cor et à cri depuis si longtemps ?

    Nous en doutons à la lecture des critères retenus Dispositions qui n’ont même pas la possibilité de remettre en cause le principe inviolable et sacré de « non-obligation de résultats » si chère à nos praticiens.

    Voyons en quoi et comment s’exercera ce contrôle de la « performance » ?

    Par la mise en place de trente indicateurs…non-obligatoires (!). Chaque indicateur déterminant le gain d’un certain nombre de points.

    Quel est le premier de ces indicateurs signalé dans l’accord ? Une véritable idée de technocrate : l’organisation du cabinet et la tenue du dossier médical informatisé rapporteront 50 points !

    Plutôt que de commencer par des dispositifs totalement accessoires (nous sommes persuadés qu’il existe des médecins non-informatisés qui font de l’excellent boulot au service de leurs patients) nous aurions préféré noter : l’accueil du patient, le respect de l’horaire de RV, la disponibilité, l’écoute….et le sourire en plus, comme pour la fermière de l’adage. Et nous aurions généreusement accordé 100 points à ces comportements, tant nous sommes agacés par ces médecins qui ne vous regardent même  pas tant ils sont obnubilés par l’écran de leur ordinateur, unique objet de leur attention pendant les dix royales minutes qu’ils vous accordent.

    Puis vient l’amélioration du « suivi des maladies chroniques » : 25 points pour le  médecin dont au moins 80% des patients diabétiques contiendront leur glycémie au-dessous d’un certain seuil. Comme quoi, se servir d’un ordinateur est plus « performant » que d’obtenir des résultats dans le traitement des maladies chroniques des patients.

    C’e sont les marchands d’ordinateurs et de logiciels qui vont être contents..

    La santé publique arrive en troisième catégorie. Ainsi faut-il réussir à vacciner trois quarts des patients de plus de 65 ans contre la grippe pour gagner 20 points.

    Cette fois-ci ce sont les fabricants de vaccins qui vont se frotter les mains. Quant aux réserves argumentées qu’on entend s’élever, ici ou là, contre la vaccination à outrance des enfants et des vieillards, la CNAM n’en a cure.

    Et puis, bien sûr, il faut « réduire le déficit » donc réduire les dépenses de médicaments. Si le médecin veut gagner 60 points il lui suffira de prescrire un générique dans 70% des cas où il aurait prescrit un anticholestérol de marque.

    Etant oubliée la traçabilité de nombre de « génériques » fabriqués en Inde ou en Chine dans des conditions obscures. Pas question de s’en soucier. L’important est qu’ils soient « moins chers ».

    Comme vous le constatez, hormis la baisse de glycémie, rien dans ces mesures n’est vraiment « médical » et orienté vers un meilleur service des patients, cause finale de tout le dispositif de santé, faut-il le rappeler ?

    Que rapporteront donc ces (bons) points aux médecins qui pourront les collectionner comme à l’école ? Nous ne le savons pas encore au moment où nous publions cet article. On indique simplement que l’incitation financière serait augmentée de 50% par rapport à celle de l’ex Contrat d’Amélioration des Pratiques Individuelles (CAPI) : soit environ 10 € par patient dans la nouvelle formule. Ce qui équivaudrait à augmenter les revenus d’un généraliste d’environ 10%…..sans que nous soyons véritablement persuadés qu’il aura « mieux » ou « moins bien » soigné (voire guéri) ses patients. La seule « performance » envisagée mesurée étant d’ordre purement comptable.

    Ce qui n’empêche pas Claude Leicher, président de MG, de craindre que les syndicats ne se satisfassent pas d’une si misérable amélioration par rapport au CAPI, compte tenu de l’effort supplémentaire demandé aux médecins.

    Les primes ne commenceront à tomber dans les escarcelles médicales qu’à partir de 2013 au vu des objectifs atteints en 2012. Sauf pour certaines spécialités aux revenus très intérieurs à la moyenne : les pédiatres (nous sommes le pays d’Europe le plus sous développé dans ce domaine) et les psychiatres verront ainsi leurs actes revalorisés l’an prochain. La CNAM est aussi prête à faire un effort du côté des « visites à domicile pour les patients atteints de troubles neurologiques« .

    En conclusion nous aimerions rappeler la célèbre réplique de Vergennes à Louis XVI qui lui demandait en 1789 : « C’est une révolte ?  » –  » Non, Sire c’est une révolution » ?  Inversement, concernant notre sujet, nous voudrions n’avoir pas à répondre, si on nous posait la même question :  » Non, cher ami, c’est un coup d’épée dans l’eau… »

    Imaginer un système de rémunération à la performance est une excellente chose. Mais ce ne peut être qu’une première étape. Il faut maintenant, sans plus tarder, réunir les associations d’usagers et les professionnels pour élargir les critères de mesure de cette « performance » et pour en définir, ensemble, les contenus.

    Le gouvernement semble avoir trouvé la bonne méthode pour faire entériner un système basé sur la performance par les praticiens. Cela nous paraît même d’une fine stratégie puisqu’il n’y a pas eu de heurt frontal avec  le corps médical. Mais on ne peut en rester là. Il faut maintenant ouvrir une phase « deux » dans la concertation avec tous les acteurs impliqués.

    Ce sera certainement une des tâches qui attendent les futurs locataires de l’Elysée et de Matignon.

     

    Olivier TOMA – Primum-Non-Nocere

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