La reconstruction mammaire par transfert graisseux n’est toujours pas remboursée par la Sécurité sociale

    La reconstruction mammaire par transfert graisseux n’est toujours pas remboursée par la Sécurité sociale
    L’alternative à la prothèse en silicone pour une reconstruction mammaire est possible depuis plusieurs années. Appelée aussi greffe adipocytaire, elle permet d’utiliser, à la place de la prothèse, le tissus graisseux de la patiente. Une technique qui a de nombreux avantages mais qui, pour le Dr Stéphane de Mortillet, n’est pas encore assez pratiquée, notamment pour une raison de coût.

    Le Docteur Stéphane de Mortillet, est chirurgien plasticien à l’Hôpital Trousseau et au Pôle Santé Léonard De Vinci, deux établissements situés en Touraine. Il pratique depuis plusieurs années la reconstruction mammaire sans prothèse appelée aussi greffe adipocytaire : « on utilise un lambeau de tissu musculaire et cutané de la patiente, généralement un lambeau dorsal et on y ajoute ensuite une ou deux séances de greffe adipocytaire afin d’obtenir un volume satisfaisant. Toutes les patientes ne peuvent pas en bénéficier, il faut répondre à certains critères, mais les avantages de cette technique sont indéniables. C’est en effet une reconstruction mammaire définitive, car il n’y a pas besoin de changer la prothèse au fil du temps. Cela permet aussi à la patiente d’avoir des seins qui ont la même souplesse et qui vont vieillir en même temps, c’est ce qu’on appelle la reconstruction autologue. Si la patiente grossit, les deux seins grossissent, si la patiente maigrit, les deux seins aussi. »

    Ce type de reconstruction mammaire ne s’adresse pas à tout le monde, le prérequis est d’abord une certaine rondeur pour pouvoir prélever suffisamment de tissus graisseux. Et bien sûr le coût de l’intervention qui est un problème majeur et crucial.

    Le coût plus élevé de cette technique pénalise les patientes

    La reconstruction par greffe adipocytaire est plus coûteuse pour deux raisons. La première c’est que cette greffe se fait en plusieurs interventions, il faut souvent deux ou trois opérations pour que le résultat de la reconstruction mammaire soit correct. La seconde raison est qu’il n’y a pas de code de remboursement adapté alors que la reconstruction est devenue éminemment technologique avec ce transfert de cellule graisseuse. « La cellule graisseuse contient des cellules souches qui elles-mêmes contiennent des facteurs d’angiogénèse, des facteurs de croissance, et en plus d’apporter du volume dans la reconstruction du sein, elles permettent de réhabiliter les tissus qui ont été abîmés par la radiothérapie », précise Stéphane de Mortillet.

    « C’est donc une technologie nouvelle, moderne, totalement validée et malheureusement la Sécurité sociale ne suit pas cette évolution. C’est un vrai problème en France », poursuit-il. « Même si un code de remboursement va sûrement voir le jour, il aura quinze ans de retard et ne sera  pas vraiment adapté car il ne tiendra pas compte du coût réel de l’intervention ».

    La sécurité sociale en déficit et des mutuelles qui ne jouent plus le jeu

    Aujourd’hui, pour une reconstruction mammaire sans prothèse, la Sécurité sociale donne 160 à 250 € au chirurgien, le kit utilisé pour le transfert graisseux à lui seul coûte 400 €. Il y a donc un vrai problème en France de participation des actes de l’assurance maladie qui est totalement obsolète. On peut comprendre que la Sécurité sociale qui est en déficit fasse des économies, c’est d’ailleurs pour cela qu’il existe des mutuelles. Pour le docteur de Mortillet : « Les mutuelles considèrent la reconstruction mammaire comme elles considèrent les lunettes ou l’implant dentaire, c’est considéré comme du luxe. Les mutuelles se sont désengagées et ne remboursent que très peu des honoraires de chirurgie. Il faut quand même rappeler que le système des dépassements d’honoraires a été inventé par le Ministère de la santé pour palier la carence de codification des actes par la Sécurité social, les mutuelles assurant très souvent le complément. Aujourd’hui non seulement ces mutuelles augmentent leurs cotisations et diminuent leurs prestations, mais elles ne veulent plus rembourser les dépassements d’honoraires. Résultat, ce sont les patientes qui se retrouvent dans une situation critique, ce qui est totalement scandaleux, surtout pour un cancer du sein. »

    Il faut déplafonner les honoraires de cet acte chirurgical

    Les mutuelles ne devraient-elles pas mettre l’accent sur les reconstructions mammaires ? C’est ce que pense le Docteur de Mortillet, qui pendant 10 ans a pratiqué la reconstruction mammaire sans appliquer de dépassements d’honoraires. « Aujourd’hui ce n’est plus possible. Si je fais cet acte chirurgical au tarif de remboursement de la Sécurité sociale, je ferme mon cabinet dans 3 mois ! » affirme-t-il.

    Il est donc primordial que cet acte chirurgical soit payé en fonction de ce qu’i coûte réellement que ce soit en clinique ou à l’hôpital, pour permettre aux femmes qui ont vécu un cancer du sein, de pouvoir faire le choix d’une reconstruction mammaire par transfert de tissus graisseux et peut-être leur permettre de se réconcilier avec leur silhouette, à long terme.

    – Interview du 08 novembre 2016 –

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