Tribune adressée au Figaro, le 27 avril 2011 Santé et climat : Pourquoi l’Europe doit se montrer à la hauteur des enjeux ?

    Tribune adressée au Figaro, le 27 avril 2011  Santé et climat : Pourquoi l’Europe doit se montrer à la hauteur des enjeux ?Les pollutions atmosphériques liées à l’activité humaine sont à l’origine d’une part importante des cas de bronchites chroniques, des emphysèmes pulmonaires, de l’asthme, des pneumonies et des tuberculoses chez nos concitoyens. Pire, nos émissions de gaz à effet de serre et autres gaz toxiques pourraient entrainer la mort prématurée de deux cent trente mille (230 000) personnes dans les prochaines années en Europe. Plus qu’une question de santé publique qui devient de jour en jour plus préoccupante, il s’agit aussi d’un défi économique majeur pour notre service public de santé. En effet, les dépenses afférentes aux maladies respiratoires coûtent aujourd’hui entre deux (2%) et quatre pour cent (4%) du PIB annuel de l’Europe[1]. Le défi peut sembler insurmontable. En effet, comment assurer davantage de bien être en Europe, par une amélioration de la qualité de l’air, tout en maitrisant nos dépenses publiques de santé ?

    Il faut pour cela chercher au delà du champ de la médecine et regarder du côté des politiques environnementales. Et dans ce domaine, l’une des principale solution est à portée de main immédiate. Lors du Conseil des chefs d’Etats du mois de juin, l’Union européenne décidera de la réévaluation de ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Aujourd’hui à hauteur de moins vingt pour cent (-20%) d’ici à 2020, la question de pose de porter notre effort jusqu’à moins trente pour cent (-30%) sur la même période par rapport aux niveaux de à 1990.

    Une récente étude de l’Alliance pour la Santé et l’Environnement[2] (HEAL en Anglais) et Health Care Without Harm (HCWH) a cherché à évaluer les impacts d’un objectif de -30% sur les maladies respiratoires et les dépenses de santé publique et livre des résultats surprenants. On y apprend ainsi que les bénéfices additionnels en termes d’économies de dépenses de santé pourraient atteindre 30,5 milliards d’euros par an d’ici 2020 en Europe. Pour la France, ces économies s’élèveraient à 3,5 milliards d’euros annuellement d’ici 2020. C’est ainsi plus de quinze pour cent (15%) du déficit de la Sécurité Sociale qui pourrait être comblé si nous mettons en place des politiques climatiques plus ambitieuses. Ce sont aussi près de 350 000 jours d’arrêt de travail qui seraient économisés dans l’hexagone. Au delà de l’amélioration de la qualité de vie, il s’agit d’une économie dont on ne devrait pas se passer, en temps d’austérité et de lutte contre la dette publique.

    Pour maximiser les co-bénéfices sur la santé d’un objectif européen de -30%, les réductions d’émissions devront être réalisées directement sur le territoire européen en limitant au maximum le recours à des crédits carbone venant des pays en développement. Si le changement climatique ne connaît pas de frontière, la pollution de l’air reste un phénomène local et doit faire l’objet d’actions ambitieuses sur notre territoire pour en limiter les conséquences néfastes sur la santé.

    De nombreux pays européens se sont d’ores et déjà prononcés en faveur d’un objectif européen de réduction des émissions de 30% en 2020. On y retrouve notamment les pays les plus touchés par la crise économique tels que la Grèce, le Portugal et l’Espagne aux côtés du Royaume-Uni ou de la Suède par exemple.

    La France quand à elle reste muette sur ce sujet et devra impérativement se prononcer dans les prochaines semaines sur l’objectif de -30%.

    Les enjeux de santé publique en question sont colossaux et il faut espérer que le gouvernement de François Fillon saura saisir cette opportunité pour éviter des coûts futurs qui se révèleraient désastreux. A l’inverse, les bénéfices potentiels en la France sont gigantesques. Il est temps d’agir, à la hauteur des enjeux!

    Signataires :

    Dr. Pierre Souvet : Président de l’Association Santé Environnement de France (ASEF), Cardiologue, élu « médecin de l’année 2008 » pour son combat sur la santé et l’environnement

    Dr. Dominique Le Houézec : Vice-Président de la Confédération Nationale Médicale Santé-Environnement (CNMSE), Pédiatre, Ancien Chef de Clinique infantile du CHU de Caen

    Mr. André Cicolella : Porte-parole du Réseau Environnement Santé (RES), Chercheur en santé environnementale et risques sanitaires auprès de l’Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques (INERIS)

    Mr. Olivier Toma : Président fondateur du Comité pour le Développement Durable en Santé (C2DS), Directeur de clinique.

    Dr. Paul Cordonnier : Président de l’Association pour la Promotion de la Recherche en Environnement et Santé publique (APRES).


    [1] Etude HEAL et HCWH, Acting Now for a better health: A 30% reduction target for EU climate policy, 2010, http://www.env-health.org/IMG/pdf/HEAL_30_co-benefits_report_-_FULL.pdf

    [2] idem

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