L’étiquetage et la composition des cosmétiques : toujours aussi opaques ?

    Les perturbateurs endocriniens : une facture salée pour la France

    C’est ce que démontre le dernier contrôle de la DGCCRF : l’étiquetage des cosmétiques ne nous dit rien des substances toxiques qu’ils contiennent.

    La DGCCRF est l’organisme chargé de contrôler la sécurité et la loyauté des produits commercialisés en France. La réglementation européenne lui impose d’établir un plan de contrôle annuel de l’ensemble des acteurs du secteur.

    En 2016, l’enquête a concerné les produits cosmétiques mis sur le marché national. Près de 8 000 produits cosmétiques ont été contrôlés, notamment les plus utilisés :

    • produits pour le bain et la douche
    • produits pour les soins (crèmes, émulsions, gels).
    • environ 700 de ces produits ont été analysés en laboratoire.

    Résultats ?

    • Anomalies constatées dans 22 % des actions contrôles
    • 39 % des établissements présentent au moins une anomalie.

    L'étiquetage et la composition des cosmétiques : toujours aussi opaques ?Les sociétés ayant mis sur le marché des produits dangereux ont généralement procédé à des retraits volontaires du marché mais, dans 7 cas, des arrêtés préfectoraux ont dû prescrire un retrait-rappel avant destruction.

    De plus il est apparu évident que les obligations documentaires, déclaratives et d’étiquetage demeurent négligées par les fabricants alors qu’elles sont essentielles à justifier de la qualité des cosmétiques et à garantir la sécurité des consommateurs.

    Plus de 600 produits cosmétiques profitent d’une présentation trompeuse !

    Constatation plus que préoccupante :

    • étiquetage non conforme pour plus de 500 produits contrôlés
    • absence des mentions obligatoires (« à utiliser avant fin», absence du mot « ingrédients »)
    • utilisation d’une langue étrangère pour présenter le produit ! ;

    Sans oublier la mise en évidence d’irrégularités encore plus graves :

    • absence de la liste des ingrédients ou de numéro de lot.
    • 8 % des produits analysés – toutes catégories confondues – « oublient » de signaler la présence d’allergènes dans la liste des substances utilisées.

     

    Qu’a alors fait la DGCCRF ?

    Elle a prescrit la mise en conformité de l’étiquetage des produits correspondants.
    C’est rassurant d’être ainsi protégés, n’est-il pas ?

    Mais le pire était encore à venir.

    Les emballages de produits présentent fréquemment des allégations fausses et clairement trompeuses :

    • multiplication d’allégations de type « sans » : « sans allergène », « sans parabène », « sans parfum », « sans soude », dont certaines sont « erronées » (sic) et d’autres parfaitement déloyales. Mais dans les deux cas, le consommateur est abusé.
    • idem pour l’indication ostensible de substances « nobles » alors qu’elles ne constituent que de faibles traces dans le produit….nous connaissons tous la célèbre recette du pâté d’alouette : une alouette, un cheval

    Produits prélevés dangereux : 15%

    C’est un dur constat qu’a établi la DGCCRF :

    • 37% de produits prélevés sont non-conformes
    • 15% franchement dangereux.

    En plus des compositions non-conformes à l’étiquetage – la présence d’allergènes odoriférants non signalés, affirmations erronées telles que « sans parabènes  » – les  contrôles ont révélé :

    • des dépassements des limites réglementaires pour les filtres chimiques des produits solaires ;
    • des traces de métaux lourds, majoritairement dans les masques de beauté contenant de l’argile.

    Les obligations fondamentales sont ignorées ?

    cosmétiqueCe qui apparaît à la lecture de ce rapport c’est que les différents opérateurs ignorent (aux deux sens du terme) les obligations qui leur incombent depuis quatre ans en matière d’étiquetage et d’information.  Ou, s’ils ne les ignorent pas, ils les considèrent comme des formalités administratives insupportables. Bien entendu, dans les deux cas, c’est le consommateur qui fait les frais de cette irresponsabilité.

    Il est aussi apparu que certains entrepreneurs agricoles en mal de diversification ou certains auto-entrepreneurs décident de fabriquer ou de diffuser des produits cosmétiques en toute irresponsabilité.  De tels fabricants ignorent  clairement le rôle, les obligations et les responsabilités qui leur incombent de manière parfaitement définie par la réglementation en vigueur.  C’est ainsi que sont souvent ignorées la déclaration de chaque produit fabriqué sur le portail communautaire des produits cosmétiques et la communication immédiate du dossier d’information de chaque produit aux autorités de contrôle.

    On constate alors que :

    • Dans 13% des cas, les produits contrôlés sont déclarés de manière non-conforme auprès du Portail de notification  européen des produits cosmétiques ou ne sont pas déclarés du tout.
    • Dans 6% des contrôles, les produits sont vendus en l’absence d’un dossier d’information les concernant et,
    • Dans 17% des cas, ce dossier, quand il existe, est incomplet. Notamment :  manquements concernant la description du produit – preuves des effets revendiqués – justificatifs des allégations – description de la méthode de fabrication. Quant aux rapports sur la sécurité du produit, ils sont souvent lacunaires.

    La DGCCRF  a donc décidé de mesures correctives faisant l’objet d’un suivi strict. De même engagera-t-elle un renforcement de la communication sur la règlementation, à destination notamment des petites entreprises.

    Mais ce n’est pas tout !

    Dans une circulaire qui tient à la fois du Courteline et du Père Ubu, cette même DGCCRF a adressé un courrier à l’Ordre des Pharmaciens d’officine et de la distribution en gros pour leur  » rappeler leur devoir de vigilance quant à la composition des produits cosmétiques qu’ils distribuent  » !

     

    « C’est pas moi, M’sieu !« 

    Pour apprécier pleinement cette initiative de la DGCCRF il faut savoir qu’une enquête du magazine « UFC-Que Choisir » datée du 7 juin, avait abouti à la publication sur son site internet d’une liste de 1000 produits cosmétiques « contenant des substances jugées « indésirables«  . Comme si cela ne suffisait pas, l’enquête avait révélé l’existence de 23 produits – dont certains vendus en pharmacie – contenant des conservateurs interdits par la réglementation : l’isobutylparaben interdit depuis le 30 juillet 2015 et la méthylisothiazolinone interdite depuis le 12 février 2017 dans les produits non rincés.
    Liste d’ailleurs « non exhaustive », avait-elle précisé…..

    L'étiquetage et la composition des cosmétiques : toujours aussi opaques ?

    D’où l’idée de la DGCCRF de se défausser de ses responsabilités en refilant la patate chaude aux pharmaciens qui, par le biais d’une lettre adressée à leur Ordre, sont invités à  » examiner avec attention la composition des produits cosmétiques référencés dans leur établissement. En cas de présence de substances interdites, les produits doivent être retirés du marché. En outre, si des p

    roduits contenant des substances interdites ont été vendus aux consommateurs postérieurement à la date d’interdiction fixée par la réglementation européenne, la DGCCRF demande que des mesures de rappels appropriées soient mises en œuvre. En pareils cas, l’Ordre [décidément très coopératif] « recommande aux distributeurs de se rapprocher des fournisseurs, afin de connaître les modalités pratiques de mise en œuvre des mesures nécessaires, et notamment à l’occasion des rendez-vous commerciaux ».

    Après « l’invitation« , la menace : la DGCCRF avertit qu’elle procédera à des injonctions si elle constate la non-exécution de ces obligations réglementaires. Ah mais !

    Conclusion et Réaction provisoires :

    Ainsi, ce sont les pharmaciens qui, devraient désormais se substituer aux inspecteurs de la DGCCRF et de l’État dont c’est la mission que d’assurer ces contrôles, puisque nous les payons pour cela. Sans oublier, la charge de travail supplémentaire que cela représente que de contrôler la conformité de chaque emballage et de chaque étiquette avec le contenu effectif du produit.

    On nage en plein délire technocratique qui prend ici l’allure d’un cynisme avéré.

    Pourquoi ne pas demander aussi aux citoyens de prévenir les crimes et attentats qui pourraient les atteindre sous peine « d’injonctions » en cas de non-exécution ?

    Et les pharmaciens d’hôpital ? Doivent-ils eux aussi vérifier la composition  des cosmétiques ?

    Et pourquoi pas des médicaments tant qu’à faire ???

    Ils auraient du pain sur la planche et les patients et nous aurions quelques jolies surprises…

    Et dire que dans notre grande naïveté, nous pensions qu’il incombait à l’État et à ses multiples Commissions, Comités, Directions, Agences, Services, que d’assumer la responsabilité de ces vérifications, de mettre en œuvre les indispensables analyses physico chimiques en laboratoires, et de décider de tous les autres contrôles qui s’avéreraient utiles à débusquer ce qui, sous l’étiquette souvent mensongère, se cache réellement dans la réalité du produit actif…

     

    agence primum non nocereC’est pourquoi, réagissant à cet inconcevable tour de passe-passe, notre agence PRIMUM-NON-NOCERE a décidé, dans le cadre de sa mission de lobbying éthique, d’engager deux actions :

    • d’une part contacter la DGCCRF au plus tôt pour lui poser les questions qui s’imposent quant à ses responsabilités effectives
    • d’autre part missionner des laboratoires privés afin qu’ils effectuent des analyses exigeantes sur des produits très sensibles, utilisés quotidiennement dans le soin des nouveaux nés.

     

    Rendez-vous est pris le mois prochain pour vous communiquer les résultats obtenus.

     

    Olivier TOMA – PRIMUM-NON-NOCERE

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